Il te Protègera du Mal
Achèvements choisis :
- En voilà un Inquisiteur qu’il est véreux : Inclure un Inquisiteur pas net
- Papa Abbadon : Il va y avoir du Chaos
- Sacré-Saint : Mentionner l’Empereur
— Loue L’empereur, Il est le salut de L’humanité. Écoute Ses paroles, Il te guidera vers la lumière du futur. Fie-toi… Fie-toi à Lui… Il…
— Fie-toi à sa sagesse, Il te protègera du mal.
Kandro releva la tête vers celui qui avait conclu la prière qu’il était en train de bégayer. Son cœur s’arrêta quand ses yeux croisèrent ceux de son sauveur, celui qui avait fourni un abri à sa famille et aux survivants d’Equidem prime. Le regard que lui renvoya le Seigneur Maedne était froid et sévère. Kandro se jeta à ses pieds avec honte.
— Merci, seigneur. Pardon Monseigneur, je… L’attaque… Je n’ai pas l’esprit très clair…
— L’Eut-il été, croyez-vous que de telles prières suffisent à vous sauver ? Au moins priez convenablement, si vous êtes inepte à servir de quelque autre façon.
— Oui, Monseigneur. Pardonnez…
— Je ne suis pas seigneur mais inquisiteur, le reprit Maedne, comme irrité de s’entendre appeler par un grade inférieur au sien. Votre gouverneur a péri dans l’assaut. Si vous voulez obtenir mon pardon, allez donc aider à renforcer les portes est.
— Bien, maître inquisiteur.
Du coin de l’œil, Kandro regarda le Seigneur Maedne s’éloigner. C’était un homme d’assez haute stature, pas particulièrement imposant physiquement mais qui dégageait un charisme tétanisant. Ses yeux gris transperçaient l’âme de tous ceux qui osaient le regarder en face. Il émanait de lui une telle assurance et une telle puissance que même les quelques mots secs qu’il avait adressé à Kandro avaient redonné courage à celui-ci. Avec cet homme pour les guider, pensait-il, les survivants d’Equidem prime avaient une chance.
L’Attaque avait eu lieu un mois plus tôt. Annoncés par une tempête de feu et de destruction en orbite, les vaisseaux hérétiques avaient relachés sur le monde-ruche plusieurs compagnies rebelles de l’Astra militarum. Des hommes dont l’âme était désormais vouée aux dieux du chaos mais dotés des armes des soldats de l’empereur avaient massacré les maigres garnisons extérieures. Dans les centres démographiques, où se trouvaient également les bastions les mieux fortifiés, les combats faisaient toujours rage. Peut-être. Le secteur où habitaient Kandro et sa famille avait été rasé mais de nombreux survivants avaient trouvé refuge dans le bastion du gouverneur, que l’inquisiteur Maedne et ses troupes avaient repris aux hérétiques. Il avait organisé des patrouilles pour trouver et rassembler les survivants et unis dans la lumière de l’Empereur, ils triompheraient.
Kandro traversa la grande salle, désormais un bidonville entouré de murs d’acier, pour se rendre aux portes est. Son secteur entier aurait pu tenir dans la tour, et la salle en était la plus grande. Toutes les issues étaient en train d’être condamnées. De nouvelles troupes avaient débarqué. Des démons hérétiques en armures chatoyantes, des tentateurs apostats et avides de sang. L’inquisiteur avait annoncé que le dernier carré se tiendrait probablement dans la semaine et sans aucun doute dans cette salle. Les réfugiés et les troupes encore opérationnelles dans le bastion s’acharnaient donc à construire des barricades en entremêlant des barres d’acier et des colonnes de pierre qui jusque-là servaient uniquement de décorum. Les lieutenants de l’Astra militarum présents, des vétérans qui avaient du connaître nombre de guerre de sièges en leur temps, donnaient les instructions à tous ceux capables de participer à la construction d’une forteresse à l’intérieur de la forteresse.
Kandro retrouva son fils en train d’apposer divers meubles contre un des murs de la barricade de la porte est.
— J’ai bien cru que tu ne participerais jamais à l’effort de guerre, vieil homme.
Un rire et une légère claque sur la tête plus tard, les deux hommes passaient des renforts de métal aux ouvriers en hauteur.
— Où sont ta mère et ta sœur ?
— Elles apportaient des vivres au rempart du centre, je crois, répondit Scinyo. Le jeune homme devait être à l’ouvrage depuis longtemps car sa tunique était couverte de sueur. Ça va pas être simple de les retrouver dans cette foule.
— De toutes façons, souviens-toi : quand ça commencera, je veux que tu coures au centre. C’est l’endroit le plus sûr, plus proche des quartiers de l’inquisiteur. C’est probablement de là qu’il mènera la bataille, d’ailleurs. Seul endroit où tu peux tout voir, ici. Mets-toi en sûreté. C’est tout.
— Quand ça chauffera, l’interrompit un soldat près d’eux, vous devrez tous rester à vos postes. Tu croyais quand même pas que t’allais faire partie du conseil de guerre du Seigneur Maedne, quand même.
Kandro savait suffisamment de choses de la guerre pour savoir que les premières lignes s’en sortaient rarement.
— Mon fils n’est pas un soldat, il a seize ans à peine…
— Faut bien servir, non ? Et y a pas d’âge pour commencer, à ce que je crois, répliqua l’autre.
— Je suis prêt à servir l’Empereur de l’humanité, renchérit Scinyo
Un grondement plus fort que ceux qui résonnaient ces derniers jours recouvrit la supplique que Kandro s’apprêtait à lancer. Ça commençait.
Partout autour de Kandro et son fils, le temps paraissait s’accélérer alors que des citoyens s’empressaient de partir vers le rempart central et que des soldats leur barraient le chemin. Les cris fusaient et le remue-ménage couvrit bientôt les bruits d’explosions qui se rapprochaient. Soudain, la voie de l’inquisiteur Maedne tonna, décuplée par un système d’amplificateurs et de relais installés dans chacune des branches de la forteresse de fortune.
— L’Ennemi approche ! Tenez votre poste ! Préparez-vous car ces traîtres nous ressemblent. Ils étaient nos frères. Mais leur foi perverse et aveugle les a perdus et retournés contre nous. Désormais ils ne sont qu’un reflet déformé de notre grandeur. N’hésitez pas ! Ils vous sembleront humains. Ils n’en seront pas moins traîtres. Quand à ceux qui sont plus qu’humains… Leur aspect et leur puissance vous tentera. Mais ce ne sont que leurre et faux-semblant ! Ce sont des anges, oui mais des anges de la mort. Faites leur payer chèrement ce qu’ils sont venus chercher !
Quelques soldats lancèrent des hourras mais même les plus optimistes ne croyaient qu’à peine à la possibilité d’une victoire. Le fracas à l’extérieur redoublait de volume. De longues minutes passèrent, rythmées par les bruits de coups contre les portes Est et Nord-Est. Enfin, le soldat qui tenait Kandro et Scinyo à l’œil finit lui-même par reculer vers le rempart intérieur. Il fut aussitôt abattu par un des lieutenants posté sur une tour d’observation à proximité. Si cet exemple était courant dans l’armée impériale, il provoqua la panique chez les civils qui crurent à une trahison. Partout dans la forteresse, des combats fratricides débutèrent. Aucune porte n’était encore tombée.
Profitant de la confusion, Kandro attrapa son fils et courut avec lui vers le rempart central en priant l’Empereur de lui pardonner sa lâcheté. Des tirs qui lui étaient certainement destinés le frôlèrent. Le tireur fut interrompu par une série d’explosions à la porte Est. Il se retourna, prêt à faire face aux monstres qui sortiraient de la brèche, mais celle-ci n’était pas encore assez grande pour apercevoir les assaillants. En quelques minutes, Kandro atteint le rempart central. Il aida Scinyo à grimper sur la palissade, puis grimpa à son tour. Les soldats y mataient violemment les quelques insubordinations qui avaient essayé d’y éclater mais certains revenaient déjà à leur poste. Trois fusils lasers étaient déjà pointés sur les arrivants.
— J’y retourne, cria Kandro. Laissez juste mon fils… Seigneur Inquisiteur, protégez-le… Je vous en prie !
La place-forte était suffisamment petite pour que l’Inquisiteur entende les supplications de l’intrus entre deux ordres aboyés à ses lieutenants par radio. Il s’approcha sans problème, la foule semblait s’écarter naturellement de son passage. Certains tombèrent du rempart dans l’opération.
— Levez les piques, lança l’inquisiteur à un garde d’élite de sa suite qui activa une commande sur un panneau à proximité. Le rempart se hérissa de piques sur son pourtour. Il n’était plus possible d’y grimper.
— Seigneur… Seigneur Inquisiteur… Pitié… je réparerai ma faute… je mourrai en vous défendant. Je donnerai ma vie à l’Empereur pour ma lâcheté.
— Qu’est-ce que l’Empereur pourrait faire de votre vie, pauvre fou ? le coupa l’inquisiteur. Il n’utilisera pas la moindre parcelle de son pouvoir pour vous sauver. Comment le pourrait-il ? Vous pensez réellement qu’il est conscient de votre existence ? Ou qu’il s’en préoccupe ?
— Je… Non, bien sûr mais…
— Voici la vérité, cher prieur. L’Empereur ne vous sauvera pas. Votre empereur est mort il y a bien longtemps. Vous n’avez jamais honoré qu’un cadavre.
À la porte Est, des tirs de bolters se firent entendre mais ni Kandro ni l’inquisiteur ne le remarquèrent.
— Vous savez… L’inquisiteur toucha le front de Kandro, qui fut pris de vertiges. Vous savez, Kandro… Même au faîte de sa puissance, votre empereur avait des maîtres. Le tisseur du destin, le seigneur des crânes… Il a tenté de les égaler. De surpasser le père de l’entropie et le prince noir du chaos. Il s’y est brulé. Ce ne sont pas des maîtres qu’on joue. On les sert. On ne peut que les servir. Mais ils ne sont pas avares en récompenses.
— Seigneur… ?
Kandro ne comprenait pas ce que l’inquisiteur lui disait. Il ne ressentait plus qu’un froid glacial depuis qu’il avait entendu ces mots : « Votre empereur est mort ». Plus rien de certain n’apparaissait dans son esprit. Il ne savait même pas s’il était encore en vie.
Sur les barricades Est, un Astartes en armure d’argent pointa son fulgurant sur l’escouade d’hérétiques chargée de le ralentir. Ils ne tiendraient pas longtemps. De sa gorge fusa un cri.
— Pour L’Empereur !
Malgré la distance, Kandro sentit l’impulsion sacrée lui parvenir. Il parvint à se remettre sur ses jambes, prêt à faire son devoir.
— Pour l’Empereur, répéta-t-il à l’intention de Maedne
Celui-ci esquiva sans mal la charge maladroite du citoyen impérial et attrapa sa proie par le cou. Une lame brilla un court instant. Kandro, tombé au sol, se retourna juste pour voir le corps de son fils projeté par-dessus le rempart, vidé de son sang, tandis que Maedne récitait un poème funeste dans une langue incompréhensible. Sa voix, retransmise par les amplificateurs, recouvrait le carnage et semblait venir de toutes les directions. L’air devenait plus dense, et des éclairs se mirent à jaillir de nulle part. En se relevant Kandro s’aperçut, du haut de la place forte, que les ramifications des barricades formaient un symbole qu’il avait déjà vu. Il l’avait vu sur un de ceux qui avaient attaqué son secteur et réduit sa maison en cendres. Huit coursives orientées vers les points cardinaux. Une étoile à huit branches.
Des cris commençaient à s’élever tout autour d’eux. En baissant les yeux, Kandro crut perdre la raison en voyant les réfugiés dans les barricades muter lentement, leur enveloppe physique se pliant aux désirs d’intrus démoniaques au sein même de leur chair. Sa femme et sa fille étaient au milieu de cet enfer. Est-ce qu’il voulait les voir une dernière fois ou est-ce qu’il valait mieux s’épargner le spectacle de leur déliquescence. Au moins Scinyo était mort avant cette horreur.
Kandro regarda le responsable de cette folie qui redoublait d’efforts dans ses imprécations. Il n’était pas un soldat, il n’avait aucune chance de l’atteindre, encore moins de le tuer. Même L’Empereur ne pouvait plus rien pour lui. Il ferma les yeux et se laissa tomber à l’étage inférieur, dans la masse de chair en pleine transformation.
À la porte Est, Le Justicar Mithrac empoigna son hallebarde Némésis et se prépara à recevoir la marée inhumaine d’enfants du chaos nouvellement crachés du warp. Ses frères d’armes se joignirent à lui pour invoquer la force toute-puissante qui les guiderait dans la bataille.
— Loue L’empereur, Il est le salut de L’humanité. Écoute Ses paroles, Il te guidera vers la lumière du futur. Fie-toi à sa sagesse, Il te protègera du mal.
- Publié le Samedi 1 septembre 2018