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Critique de La Dîme de Sang par Maestitia

Publié le Jeudi 27 février 2025 | 2 révisions avant publication | 3 corrections après publication

— Ces traîtres se croient supérieurs à nous, reprit Soha en faisant courir son gantelet sur le canon de son vieux fusil à rayon thermique, comme à son habitude quand il patientait de la sorte. L’arrogance de leur attaque montre leur mépris à notre égard.

Sharr ne dit rien, mais lança un regard entendu au chapelain Nikora. Le vieux guerrier vêtu de noir ne semblait pas affecté par l’impatience qui tenaillait les autres vétérans Carcharodons. Il se tenait, grand et droit dans son armure sombre, et récitait à voix basse la Troisième Litanie de Préparation sur le canal vox de l’unité. Les mots en haut gothique qui se succédaient rappelèrent à Sharr sa visite dans la chapelle creusée dans la paroi de la mine, et les paroles que Te Kahurangi lui avait dites.

L’obscurité qui se dresse devant nous vous briserait si vous deviez tant lutter pour assumer votre nouveau fardeau. Allez-vous la laisser faire ?

Non, il ne la laisserait pas faire. Il la bannirait, tout comme il avait banni le spectre sanguinaire et avide d’Akia. Il se joignit à la litanie de Nikora, d’une voix basse mais déterminée, et murmura des promesses de loyauté et de dévotion, des mots que les Carcharodons avaient emportés avec eux et prononçaient dans le vide depuis dix millénaires. L’un après l’autre, les restes de la première escouade abandonnèrent leur conversation et les rejoignirent. L’un après l’autre, leur posture retrouva une certaine sérénité.

Ils étaient les juges de paix, ils étaient les veneurs. Ils venaient du Sombre Vide Extérieur, et une fois la Dîme Rouge prélevée, seules resteraient les ténèbres. Et rien d’autre.

Sur Zartak, un monde-prison impitoyable, des milliers de détenus survivent tant bien que mal sous l’œil sans pitié de l’Adeptus Arbites. Mais quand les Night Lords prennent le contrôle de la planète, la situation tourne au cauchemar. Les légionnaires de la VIIIe Légion transforment les mines en un charnier et utilisent les prisonniers comme de la chair à canon, dans un jeu sadique où la peur est leur principale arme.

C’est dans ce contexte que Skell, un jeune détenu aux talents particuliers, devient l’objet d’une lutte impitoyable entre les Night Lords et un groupe d’Astartes bien différents : les Carcharodons. Ces prédateurs silencieux, venus récolter leur sinistre « dîme », débarquent sur Zartak et s’engagent dans une guerre souterraine brutale contre les fils de Curze. Entre affrontements sauvages dans les tunnels de la mine et manipulations occultes, la bataille prend une tournure de plus en plus désespérée, et le destin de Skell en est la clé.

Un Night Lord qui méprise les Dieux du Chaos et refuse leur joug. Des Carcharodons qui avancent dans le silence, fauchent, puis disparaissent sans laisser de traces. Un affrontement brutal et sans concession entre deux factions qui partagent bien plus de points communs qu’on pourrait le croire. Voilà ce que propose ce roman. Et il faut bien l’admettre :  ça fait vraiment plaisir!

Dès le début, le lectorat est happé par cette ambiance pesante où chaque camp avance avec sa propre logique, où la guerre n’est pas une simple opposition entre bien et mal, mais un jeu d’ombres et de stratégie où chacun pense dominer l’autre. L’écriture ne se contente pas de jeter des Space Marines les uns contre les autres dans une débauche d’action. Non, ici, on prend le temps de poser les enjeux, d’explorer la mentalité des combattants, de montrer que derrière l’armure et la sauvagerie, il y a des codes, des philosophies, des héritages et un lore à respecter. Et ça, ça change tout.

Les Night Lords sont commes des poissons dans l’eau. Vicieux, manipulateurs, toujours à tirer les ficelles pour frapper là où ça fait mal. Mais surtout, ils ne sont pas ces caricatures de méchants serviles qui chantent des louanges aux puissances de la ruine. Amon Cull (ouais je sais, faut éviter de le prononcer à voix haute, il y perd tout son charme), c’est le Night Lord comme on les aime : froid, rusé, complètement détraqué, mais jamais soumis. Il ne plie pas le genou devant les dieux, il ne se perd pas dans les promesses de pouvoir démoniaque. Il pense en Night Lord, il agit en Night Lord, il méprise ce qu’il considère comme une faiblesse chez les autres. Et ça le rend infiniment plus intéressant. Le voir manœuvrer, observer les combats de loin, manipuler ses propres alliés avec une distance presque perverse, c’est un régal. Il n’est pas là pour soumettre des mondes au nom de dieux avares, il est là pour perpétuer la terreur, pour rappeler à tous que la VIIIe Légion n’a jamais eu besoin d’autre maître que la peur elle-même.

En face, nous avons les Carcharodons. Mystérieux, implacables, totalement détachés de l’humanité. Ils n’expliquent rien. Ils ne parlent pas pour convaincre, ils agissent. Leur approche de la guerre est fascinante : une marée silencieuse qui ne laisse que des cadavres dans son sillage. Le Nomade Pâle, en particulier, est une réussite. On sent toute l’ancienne sagesse d’un Archiviste qui sait que le temps joue toujours en leur faveur. Il ne cherche pas à écraser son ennemi par la force brute, il attend, il analyse, il frappe là où ça fait le plus mal. Sa relation avec Skell, ce jeune prisonnier jeté dans l’enfer du conflit, est une des meilleures idées du livre. On comprend rapidement que tout n’est qu’un vaste processus de sélection. Pas forcément explicitement dit, mais il y a cette impression constante que les Carcharodons ne se battent pas uniquement pour l’Empereur ou pour la victoire, mais pour la dîme.

Et cette dîme, parlons-en. C’est ce qui élève les Carcharodons au-dessus d’une simple force d’extermination. Ils ne sont pas juste là pour purger une planète, ils prennent quelque chose en retour. Quelque chose de précieux, quelque chose de terrifiant dans sa logique implacable. Ce n’est pas un massacre aléatoire, c’est un rite. Un prélèvement nécessaire, une tradition qui permettra au Chapitre de perdurer que se soit en terme d’effectifs Space Marines, mais aussi commes serfs, officier de bord, etc.

Les affrontements sont brutaux. Le combat final est une explosion de violence millimétrée, où la VIIIe Légion oppose sa ruse aux assauts frénétiques des Carcharodons. Ici, pas de héros surhumains qui dominent le champ de bataille avec arrogance. Les Astartes souffrent, tombent, se relèvent, mais rien ne semble gratuit ou artificiel. Chaque coup compte, chaque perte a du poids, beaucoup trop parfois. On sent que Robbie Macniven maîtrise la mise en scène des affrontements et surtout qu’il comprend ce qui différencie un combat de Night Lords d’un combat de Carcharodons. Les uns frappent dans la terreur et la trahison, les autres avancent sans un mot, sans relâcher la pression.

Et puis, il y a Rannik. Figure humaine dans cet enfer d’acier et de sang, elle est utilisée intelligemment tout au long du roman. Son rôle évolue, mais je sens qu’il lui manque un ‹je ne sais quoi». Quoiqu’il en soit, avoir le contraste avec un humain est quasiement une obligation dans les romans Space Marines.

Autre point à noter : l’utilisation du lore. L’ouïe de Larraman, la récitation des Chapelains, les capacités de l’Omophagea exploitées de manière intelligente… Ce n’est pas juste de la poudre aux yeux pour flatter le fan, c’est intégré de manière subtile et organique. Ça donne du poids à l’univers, ça ancre le récit dans un Warhammer 40K qui ne se contente pas de balancer des noms et des concepts au hasard. Ça fait plaisir de voir un auteur qui comprend réellement l’univers qu’il manipule.

Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre une suite. Parce que si ce tome a prouvé quelque chose, c’est qu’il y a encore beaucoup à raconter. Et franchement, vu la qualité de celui-ci, je suis prêt à signer tout de suite pour un deuxième round.

Les plus

  • Des Carcharodons fascinants : Leur culture, leur silence, leur piété et leur approche pragmatique de la guerre les rendent uniques parmi les Astartes.
  • Un respect du lore Warhammer 40K : L’intégration subtile de concepts comme l’Ouïe de Larraman ou la Dîme de sang donne de la profondeur à l’univers sans jamais alourdir la narration.
  • Des combats intenses et lisibles : Chaque affrontement est bien décrit, avec un vrai sens du rythme et de l’impact.

Les moins

  • Un développement limité de certains aspects culturels : Si les Carcharodons sont passionnants, leur héritage et leur mode de pensée auraient pu être encore plus creusés.
  • Des affrontements parfois trop courts : Certains duels ou combats marquants auraient mérité quelques pages supplémentaires pour accentuer leur tension.
4/5

Un excellent roman qui plonge pleinement dans la brutalité et le mystère des Carcharodons, tout en offrant des affrontements mémorables et une ambiance oppressante parfaitement maîtrisée. Malgré quelques points perfectibles, notamment sur le développement de certains personnages et aspects culturels, l’ensemble reste captivant et redonne envie de voir ces Space Sharks à l’œuvre.