Critique de Félon par Priad
Publié le Mardi 17 juin 2014 | 8 révisions avant publication | 1 correction après publicationLe Word Bearer fixait l’image. « Je vais le sauver. »
Magnus ne demanda pas de quelle façon. Il garda le silence un long moment, avant d’aller droit au fait.
— Tu as toujours fonctionné à l’affectif, Lorgar. Ce sont tes sentiments qui te guident. Et tu connais la valeur de la loyauté envers ceux qui ont été loyaux envers toi. Ce que j’admire. Vraiment. Mais la galaxie regretterait-elle vraiment l’âme torturée d’Angron ? Sa légion même pleurerait-elle sa perte ? Sa vie vaut-elle vraiment la peine d’être sauvée ? »
Alors que ses questions restaient en suspens, Magnus tourna de nouveau son attention vers le Warp. Et il sourit.
— Quelque chose t’amuse, mon frère ? » demanda Lorgar. Ses yeux dorés scintillaient à la lumière haineuse du Warp.
Le sorcier hocha la tête.
— Je viens juste de ressentir où nous sommes.
Tome 24 de l’Hérésie d’Horus, Félon est le second roman d’Aaron Dembsky-Bowden dans la saga. Prenant place après Le Premier Hérétique du même auteur, qui avait fait l’unanimité, ce tome-ci se présente comme une suite de ce dernier, mais pas seulement. Alors que les Ultramarines tentent de se relever du coup porté à Calth, Lorgar Aurelian rejoint son frère Angron pour poursuivre la destruction des mondes d’Ultramar. L’action sera donc racontée depuis le point de vue des Word Bearers avec Lorgar et Argel Tal, mais aussi des World Eaters avec Angron secondé par Khârn.
On touchera ici à la principale force de ce roman, l’approfondissement de ses personnages. L’auteur semble vraiment doué pour nous mettre dans la tête de Lorgar et de ses machinations, alors que dans le même temps le personnage sanguinaire qu’est Angron aura droit à un portrait bien plus humain que ce auquel nous aurions pu nous attendre. Au-delà de se présenter comme une suite au roman Le Premier Hérétique, Félon préfèrera se concentrer sur la chute d’Angron et attendez-vous à pas mal de spectacle.
Après une sublime introduction impliquant Magnus, l’histoire se poursuivra par le massacre des Ultramarines sur les mondes d’Ultramar. Ce passage, représentant une partie non-négligeable du livre, mettra en scène des combats impliquant les légions renégates mais aussi leur Primarque. Malgré le souhait de l’auteur d’ajouter en toile de fond la manipulation d’Angron par son frère, ce passage misant tout sur l’action ne plaira pas à tout le monde, l’action y étant décrite sur des dizaines de pages. Le caractère épique de certaines scènes sera appréciable mais la longueur de la bataille affectera le rythme du livre.
Les Ultramarines ne feront pas le poids face au déferlement de la rage d’Angron et de ses butcher’s nail (les griffes du boucher), les implants insérés dans sa tête pour le rendre plus agressif lorsqu’il n’était encore qu’esclave sur Nucera. Le passé d’Angron sera bien entendu abordé, levant le voile sur les raisons qui l’ont poussé à devenir ce qu’il est. Le lecteur assidu notera d’ailleurs les quelques liens existants avec Après Desh’ea, une nouvelle de Matthew Farrer sortie il y a plusieurs années et disponible dans le recueil Chroniques de l’Hérésie, décrivant comment notre Primarque a fait la rencontre de sa propre légion qu’il refusait de commander. En parallèle, ADB fera quelques flash backs sur la confrontation ayant eu lieu avec Leman Russ, alors que les loups envoyés par l’Empereur lui-même devait faire cesser les bains de sang de la XIIème légion. Préparez-vous à quelques dialogues tendus.
Avec tous les efforts de l’auteur pour nous faire apprécier le personnage d’Angron et de sa légion, Lorgar sera parfois laissé de côté, avant de revenir à lui en quelques occasions bien placées. Ses motivations, ainsi que les enjeux sous-jacents seront ébauchés dès le départ mais ce n’est seulement qu’à la toute fin que le lecteur aura une vue complète de son petit jeu avec les forces du Warp.
Mais Angron ne sera pas le seul à piquer la vedette à Lorgar, car le roman se concentrera aussi sur la relation Khârn/Argel Tal. ADB a vraiment étoffé leur relation pour la rendre fraternelle, voir fusionnelle en certains aspects, et vivre la transformation de Kârn est grisante, surtout qu’elle ne semble pas inéluctable.
Les Ultramarines dans tout ça feront pâle figure, leur usage étant aussi approfondi que les Orks dans Le Monde de Rynn. Heureusement un acteur de taille viendra poindre le bout de son bolt vers la fin, ajoutant par la même occasion un nouvel élément à l’arc de Calth ouvert par Dan Abnett dans La Bataille de Calth.
Félon souffre d’un rythme en dent de scie mais vous offrira une cure de violence et quelques passages très prenants grâce à une palette de protagonistes exceptionnelle. Si rejoindre Lorgar en pleine guerre contre les titans Warhounds impériaux vous tente, et que la plongée dans la psyché d’Angron ne vous fait pas peur, ADB a peut être bien écrit un roman pour vous.
Les plus
- Des Word Bearers et des World Eaters pour un cocktail sanglant.
- Une suite au roman Le Premier Hérétique.
- De l'action et l'histoire de toute une légion en toile de fond.
- Une relation Khârn/Argel Tal troublante et qui aura des conséquences irréversible.
- Le talent de l'auteur pour humaniser Angron et nous conter qui il est.
Les moins
- Des scènes de guerre interminables.
- Des Ultramarines sans relief du début à la fin. Vraiment tous les Ultramarines.
- Vivre le bouleversement de la XIIème légion depuis le regard de simple humains aurait pu être plus approfondi.
Avec Félon l'auteur nous dresse le portrait d'Angron et de sa légion sur le modèle d'une tragédie grecque, véritable victimes collatérales des ambitions de Lorgar. Une réussite qui ne sera entamée que par les longueurs de certaines batailles.