Avis sur Les Fils de Lupercal par Maestitia
Publié le Dimanche 28 décembre 2025Il faut commencer par rappeler un fait éditorial que beaucoup de lecteurs français oublient, ou ignorent. Les Fils de Lupercal n’est pas un roman « incomplet » par accident : il est la première moitié de Vengeful Spirit en version originale. La division en deux volumes (Les Fils de Lupercal puis La Bataille de Molech) est une décision française liée à la taille du texte, pas à une intention narrative de McNeill. Et ce simple point explique déjà une grande partie des malentendus autour du livre.
McNeill n’écrit pas ici un roman de batailles ou de révélations immédiates. Il écrit une longue mise en tension, un texte de préparation, de contamination lente, de mise en place idéologique et métaphysique. Le problème, c’est que beaucoup de lecteurs attendent un pay-off dès le premier volume. Or, Les Fils de Lupercal est volontairement frustrant.
L’introduction sur la Maison Divine est un choix narratif risqué, presque provocateur. L’ambiance évoque clairement des intrigues à la Game of Thrones : une aristocratie décadente, antipathique, des personnages que l’on identifie immédiatement comme condamnés moralement. McNeill ne cherche pas l’empathie. Il installe une noblesse déjà pourrie, prêt à être retournée par le Maître de Guerre. Ce n’est pas séduisant, et c’est précisément pour cela que ça fonctionne sur le plan thématique. Molech n’est pas un monde à sauver, c’est un monde à exploiter.
Le retour de Garviel Loken est central, mais aussi problématique. Le voir jardiner sur Luna Mendax en conversant avec le fantôme de Tarik Torgaddon est une idée forte, presque mélancolique, mais qui souligne immédiatement ce que Loken est devenu : un homme en décalage constant, incapable de s’adapter à la nouvelle phase de la guerre.
Ses échanges avec le Primarque Leman Russ, notamment à travers les parties de jeu perdues, servent moins à « tester » Loken qu’à rappeler une chose essentielle : il reste un acteur majeur du conflit et un outil que d’autres décident d’utiliser ou non. Et lorsqu’il est jugé apte, ce n’est pas une victoire morale. C’est un constat d’utilité.
Loken est d’ailleurs souvent insupportable dans ce roman. Sa violence envers Iacton Qruze, sa colère mal dirigée, son incapacité à accepter le secret autour de Keeler, Oliton et Sindermann… Tout cela en fait un personnage profondément humain, mais aussi profondément agaçant. McNeill le rend cohérent avec son traumatisme, mais à tendance à en rajouter.
Le traitement d’Horus est, à mon sens, le cœur du livre. L’auteur prend un risque énorme : il fait dire explicitement ce que beaucoup de romans de l’Hérésie n’osent qu’insinuer. Horus ne veut pas seulement vaincre l’Empereur. Il veut changer de plan ontologique. Devenir un dieu pour pouvoir tuer un dieu.
C’est ici que Molech prend toute sa dimension. Non pas comme champ de bataille, mais comme lieu de mémoire effacée, de pacte oublié. Horus sait que lui et l’Empereur sont déjà passés par là. Il sait que l’Empereur y a laissé quelque chose. Et il accepte implicitement l’idée qu’un pacte a été scélé. McNeill ne sur-explique pas. Il suggère, il encercle, il retarde. Et ce choix est frustrant, mais intellectuellement honnête.
L’un des reproches majeurs faits au roman est la multiplication des personnages et des points de vue. Et le reproche est fondé. Entre la Maison Divine, les Blood Angels coincés par leur serment, les Chevaliers Errants, les Ultramarines, les intrigues internes… la charge cognitive est lourde.
Cette surcharge a un sens : elle reflète la fragmentation du conflit à ce stade de l’Hérésie. Plus personne ne comprend la totalité du tableau. Chaque faction agit sur des informations partielles, des serments anciens, des ordres contradictoires. Les Chevaliers Errants, aussi excitante que soit leur composition hétéroclite, sont presque un manifeste : l’Imperium n’est plus unifié, même dans ses élites.
Cela dit, certains chapitres sont objectivement trop longs, notamment ceux sur Devine et Reaven. Les descriptions s’étirent sans toujours servir l’immersion. McNeill a parfois tendance à confondre densité et lourdeur.
Quand l’action arrive enfin, affrontement spatial autour de Molech, manœuvres de flotte, utilisation des vaisseaux tombeaux et des Luperci : le roman décolle nettement. McNeill excelle dès qu’il s’agit de stratégie, de chaînes de commandement, de décisions irréversibles. La bataille spatiale est lisible, tendue, intelligemment chorégraphiée.
Et l’entrée en scène d’Horus, accompagné de Kibre et des Justarin, est à la hauteur de l’attente. Ce n’est pas une démonstration de puissance gratuite : c’est la confirmation que plus rien ne peut lui résister frontalement. Même les Ultramarines, exemplaires, ne sont que des obstacles temporaires.
La conclusion sur Molech, avec Horus qui pose enfin le pied sur ce monde chargé de secrets, est volontairement incomplète. Elle ne ferme rien. Elle ouvre une porte. Et c’est précisément là que beaucoup de lecteurs décrochent. Pris isolément, Les Fils de Lupercal donne l’impression de s’arrêter juste avant l’essentiel. Mais replacé dans Vengeful Spirit, il prend tout son sens : celui d’un roman de contamination, pas de résolution.
Les plus
- Molech comme pivot métaphysique majeur.
- Excellentes batailles spatiales, lisibles et tendues.
- Chevaliers Errants : concept fort et symbolique.
Les moins
- Rythme très inégal, avec des chapitres inutilement étirés.
- Trop grande densité de personnages secondaires.
- Loken parfois caricatural.
Les Fils de Lupercal n’est pas un roman facile, ni immédiatement gratifiant. C’est une œuvre de transition, volontairement déséquilibrée, qui exige du lecteur qu’il accepte l’inconfort et l’attente. McNeill y pose les fondations idéologiques et métaphysiques de Molech, même si le prix à payer est un rythme parfois laborieux. Mal compris, ce roman mérite pourtant d’être relu comme ce qu’il est réellement : la première respiration avant l’ascension.
Avis sur Les Fils de Lupercal par Technoprêtre
3/5Les Fils de Lupercal porte bien son nom et forge son intrigue sur ses personnages plus que ses actions, encore faut-il avoir la place de tous les amener à leur degré de maturité narrative. Un tome qui aurait du pouvoir exister sans sa suite.