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Critique de La Noirceur Extérieure par Maestitia

Publié le Mardi 3 juin 2025 | 3 corrections après publication

Sharr relâcha l’épaulière de Tane et descendit la nef de la cathédrale en direction de la chaire, de l’abside et de l’autel tout au fond. Il donna des ordres en marchant.

« Deuxième et Neuvième escouades, divisez-vous en équipes de combat et sécurisez les balcons ainsi que les entrées latérales. Troisième et Dixième, établissez des arcs de tir autour des portes principales. Nuritona, avec moi. »

Les bancs avaient été déplacés sur les côtés du passage menant à l’autel afin de priver d’éventuels assaillants du couvert qu’ils pouvaient offrir, bien qu’ils fussent trop nombreux pour dégager complètement l’espace. Les Devastators de la Neuvième escouade étaient déjà en train de s’installer autour de l’autel et sur la plate-forme en bois surélevée de la chaire. Ils furent rejoints par la Première escouade de Nuritona et l’escouade de commandement de Sharr. Niko avait déjà planté le manche en adamantium de l’étendard de bataille de la compagnie dans le dallage derrière l’autel, son tissu sombre et effiloché tranchant avec la blancheur immaculée du drap brodé recouvrant l’autel.

« Nous ne quitterons pas cet endroit », déclara Sharr aux frères du Vide rassemblés dans l’abside. Des hochements de tête et des affirmations sobres lui répondirent. Le Reaper Prime envoya une impulsion vox préenregistrée au White Maw. Les dernières pièces du baroud d’honneur des Carcharodons étaient en place.

Les grandes portes volèrent en éclats, et une marée de xenos hurlants et vociférants se déversa dans la cathédrale. D’un seul mouvement, tous les Carcharodons présents ouvrirent le feu.

Après une Dîme de Sang très réussie — que j’avais analysée dans une précédente critique — Robbie MacNiven revient avec La Noirceur Extérieure, suite directe qui continue de suivre la 3e Compagnie des Carcharodons, dirigée par Bail Sharr. On y retrouve également le jeune archiviste Khauri, anciennement Skell, dont le destin, seulement esquissé dans le tome précédent, devient ici un axe central. Le roman s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, avec la même volonté d’élargir l’univers tribal, brutal et mystérieux des Space Sharks, tout en maintenant une narration nerveuse et épurée. Une suite attendue… et plutôt réussie.

Avant d’ouvrir le roman, une lecture annexe s’impose : Death Warrant, une nouvelle qui fait office de préquelle. Elle se déroule sur une lune jungle où un frère Carcharodon nommé Kordi enquête sur des rumeurs concernant une relique gardée dans une tombe nécron. L’objet en question, une fois récupéré, s’avère être une monnaie d’échange pour obtenir de précieuses ressources de l’Adeptus Mechanicus. Ce détour narratif prend tout son sens au début du roman, et enrichit la lecture sans être indispensable.

Le roman démarre rapidement, enchaînant directement avec les négociations entreprises par Bail Sharr. Il troque les artefacts récoltés par son Chapitre contre du matériel, dans le but de conclure un accord crucial avec les Ashen Claws, un mystérieux groupe de guerre considéré comme renégat. C’est là que le roman devient particulièrement intéressant : il explore les liens entre ces descendants de la Raven Guard et les Carcharodons, dans une ambiance tendue où la fraternité côtoie la méfiance. Les Ashen Claws, bien qu’éloignés de Terra depuis l’Hérésie d’Horus, revendiquent toujours une certaine forme de loyauté envers le Trône. Leur culture corsaire, leur méfiance institutionnalisée et leur radicalité font écho à celle des Carcharodons, tout en s’en distinguant clairement. Ce segment, tout en tension et en échanges sous haute surveillance, pose de vraies questions sur la place des Chapitres périphériques au sein de l’Imperium. Et c’est passionnant.

Le cœur de l’intrigue repose ensuite sur une menace grandissante : une flotte-ruche tyranide approche de la bordure extérieure, et tout indique qu’elle s’apprête à dévaster les mondes sur son passage. Pour tenter de l’arrêter, une seule option : frapper au cœur, et éliminer le patriarche genestealer qui sert de balise psychique. Ce postulat, un peu discutable du point de vue du lore, même s’il repose sur des bases crédibles, permet de justifier une opération commando au sein d’un monde impérial déjà infiltré.

Tyberos, le Maître de Chapitre, envoie la 3e Compagnie sur Piety V pour cette mission d’assassinat, tandis que le reste du Chapitre s’apprête à affronter de front l’invasion xéno. Une décision audacieuse, qui place une pression maximale sur Bail Sharr et ses frères.

Pendant le transit vers Piety V, le roman prend le temps d’approfondir la relation entre Sharr et Khauri. Ce dernier, encore marqué par l’enseignement du Nomade Pâle, se cherche une légitimité et s’interroge sur ses capacités. L’Inquisiteur Nzogwu et son acolyte Rannick, déjà présents dans La Dîme de Sang, reviennent avec un rôle plus marqué. Leur présence intrigue : leur mission semble dépasser la simple supervision inquisitoriale.

Sur place, l’ambiance devient vite oppressante. Les autorités locales sont ambiguës, les sermons dégénèrent, des morts suspectes s’accumulent. L’auteur réussit à instaurer une tension rampante, où la présence du Culte Genestealer se devine sans jamais être nommée de manière explicite. Chaque scène est tendue, chaque échange semble porteur d’un sous-entendu. L’intrigue progresse de façon fluide, sans temps mort.

Khauri, de son côté, continue sa quête d’identité. Un épisode en crypte, à la fois sobre et intense, marque un tournant dans son parcours. Il y découvre une vérité enfouie qui le bouleverse, renforçant son lien avec le Warp et posant la question de ce qu’il est réellement devenu. Ce passage, en lien avec les événements de La Dîme de Sang, renforce la cohérence globale de la série. Rannick, quant à elle, devient de plus en plus ambivalente tout en étant détestable. Une faille semble s’ouvrir en elle.

La tension monte encore d’un cran : les affrontements se multiplient, la planète s’embrase, et l’ultime tiers du roman enchaîne les scènes spectaculaires. On retiendra notamment l’intervention de Tyberos lors de la bataille spatiale : un moment de pure démesure où le commandant des Carcharodons décide de frapper l’ennemi à sa manière, brutale et frontale. MacNiven évite tout excès de pathos : l’héroïsme est ici silencieux, fonctionnel, presque fataliste. Fidèle à l’identité de son Chapitre.

Dans le même esprit, le rituel d’éveil mené par Nikora et Uthulu, sobre et solennel, prépare l’arrivée d’un personnage clé pour l’affrontement final. Quand ce dernier entre en scène, c’est du Warhammer pur jus, porté par une gravité et une intensité rares. La cathédrale de Piety V devient le théâtre d’un acte final à la fois épique et glaçant.

Khauri, enfin, prend pleinement sa place dans le récit. Il libère un potentiel insoupçonné et s’impose comme une figure centrale de cette lutte contre l’infestation. Ce basculement est l’un des points forts du roman : sans mentor ni filet, il se forge une identité propre. Il devient un héros.

Les cinq derniers chapitres sont particulièrement réussis : rythmés, tendus, parfois surprenants, ils offrent une montée en puissance qui tient toutes ses promesses. L’auteur y glisse des éléments troublants, des choix narratifs forts, et pousse le lecteur à s’interroger sur les Carcharodons, sur l’Inquisition, sur les démons… et sur les Ashen Claws.

L’épilogue, quant à lui, laisse une dernière énigme en suspens. Rannick, seule au milieu des ruines, récupère une rosette inquisitoriale et sent en elle un changement… La question reste entière : est-elle encore elle-même ? Le doute plane. Et l’envie d’un tome 3 s’intensifie !

Les plus

  • Rythme maîtrisé, jamais de longueur.
  • Une écriture fluide, sans fioritures, mais évocatrice.
  • Des scènes marquantes (le duel psy, l'utilisation des Drop Pod, le combat final.
  • Khauri devient un personnage central, riche et prometteur.
  • Bonne gestion des intrigues secondaires : Sharr, Tyberos, Te Kahurangi.
  • La présence des Ashen Claws, mystérieuse et bien dosée.
  • Une fin ouverte, pleine d'interrogations.

Les moins

  • Quelques personnages secondaires (notamment les humains) restent peu développés.
  • Le côté Khauri super psyker peut paraître un peu rapide, voire exagéré pour certains lecteurs.
4/5

La Noirceur Extérieure est une suite solide et spectaculaire, qui parvient à développer ses personnages et le lore des Carcharodons Astra tout en livrant des scènes épiques dignes du mythe Astartes. Khauri, en particulier, devient une figure importante. Vivement la suite !