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Critique de Perturabo : Le Marteau d'Olympia par Maestitia

Publié le Mercredi 8 octobre 2025

Il avait échoué.

— Préparez les réacteurs warp pour un saut d’urgence, ordonna-t-il aux vaisseaux, d’une voix qui n’était qu’un croassement rauque. Nous battons en retraite.

Zolan lui serra si faiblement la main qu’il le sentit à peine et ouvrit des yeux chassieux, enfoncés dans un visage tellement détruit par la vieillesse qu’il ne semblait plus humain.

— Vous avez fait de votre mieux. Même le seigneur Perturabo n’aurait pas pu tenir ce siège, souffla-t-il pour essayer de le rassurer.

— Vous aviez raison, mon ami, répliqua Dantioch. Nous aurions dû partir il y a des semaines de cela.

— Vous n’avez rien à vous reprocher, Dantioch, murmura Zolan. Abandonner n’est pas dans notre nature.

Sa tête pendait sur le côté, sa voix était faible et il articulait à peine, comme pris d’une profonde somnolence.

— Mais le dogme ne remplace pas le discernement.

— Je voudrais bien vous voir essayer d’expliquer cela au Primarque, marmonna Zolan en fermant les yeux.

Ses lèvres desséchées s’étirèrent péniblement en un sourire.

Dantioch se pencha vers le sergent pour lui murmurer à l’oreille.

— Du fer naît la force. De la force naît la volonté. De la volonté naît la fois. De la fois naît l’honneur. De l’honneur naît le fer. Voici la litanie inaltérable.

— Et qu’il en soit ainsi, à présent et à jamais, souffla Zolan dans son dernier soupir.

Premier roman de la série Primarques à relater la jeunesse d’un fils de l’Empereur avant même sa découverte par celui-ci. J’enttends par là, une réélle plongée dans le passé du Primarque ainsi que de son monde natal.
Je tiens à le souligner, car soyons honnête, cette série d’anthologie est très attractive pour la simple et bonne raison que nous pouvons attendre d’elle que chaque tome puisse nous relater les origines des Primarques.

En parallèle, nous suivons une campagne des Iron Warriors particulièrement dévastatrice, menée par des Space Marines qui ne reculent devant rien, même lorsque tout espoir de victoire semble perdu.
Menés par un Perturabo borné et inflexible, ils se jettent dans la bataille face à un ennemi extraordinaire : les Hrud.
Ce peuple xenos possède la capacité de tordre le temps et l’espace, accélérant le phénomène d’entropie par leur simple présence. Concernant cette campagne, Guy Haley met brillamment en avant l’aspect obstiné, mçeme suicidaire des Iron Warriors.

L’auteur m’avait déjà agréablement surpris durant La Bataille de Bêta-Garmon ou encore dans Le Siège de Terra. Il décrit aussi bien les paysages que les personnages avec une plume précise et élégante.
Mais là où Guy Haley me touche particulièrement, c’est dans sa capacité à transmettre des émotions et une fois encore, il parvient à me surprendre.

Le rythme volontairement mesuré du début permet une exposition soignée du jeune Perturabo sur Olympia, notamment dans la cité de Lochos : une forteresse inexpugnable, à la fois métropole brillante et prison dorée.
La ville est dirigée par un tyran éclairé, accepté par son peuple et père adoptif de Perturabo.

On apprécie l’univers d’Olympia : l’inspiration de la Grèce antique y est évidente et crédible, avec ses sculptures majestueuses, ses bâtiments harmonieux, ses forums et ses débats publics où l’éloquence et la philosophie tiennent une place centrale, sans oublier l’art de la rhétorique si chère au Primarque.

C’est dans ce cadre que l’on découvre un Perturabo d’une logique froide et implacable, animé par une intelligence d’ingénieur hors du commun, mais aussi par un don d’artiste visionnaire.
Le jeune Primarque met son génie au service des mortels, construisant des machines pour améliorer leur vie de tous les jours.
Bien que sa force physique soit évidente, c’est par son esprit méthodique et sa sensibilité morale que Perturabo impressionne le plus.
Loin du cliché du stratège brutal, il offre ici un visage mesuré, presque humain. Mais combien de temps une telle retenue peut-elle durer ?

De plus, des personnages comme Forrix, Dantioch, Zolan, Kelléphon ou encore Bardan témoignent d’une obéissance quasi fanatique envers leur père, une loyauté qui frôle la folie collective.
Pour illustrer cet aspect, l’auteur met en scène les conséquences tragiques des décisions de Perturabo au fil des campagnes qu’il mène : pour lui, le guerrier n’est rien de plus qu’un outil, un rouage sacrificiel au service de la victoire.
Les hommes deviennent des chiffres, et les triomphes, de simples statistiques
.

Tout au long du roman, il devient difficile de ne pas mépriser Perturabo pour son indifférence face au sort de ses fils, qu’il sacrifie souvent sans nécessité réelle.
Ce pathos s’enracine profondément dans l’ADN des Iron Warriors : ces guerriers brisés incarnent la résignation et la souffrance silencieuse.
Bien qu’ils soient tous misérables, aucun ne se plaint, aucun ne hurle.
À l’image de leur père, ils endurent en silence, étouffant en eux une injustice et une douleur que d’autres jugeraient insupportables.

C’est donc l’histoire d’un homme brillant qui ne parvient pas à exprimer son plein potentiel, et celle d’un entêtement tragique qui finira par consumer tout ce qu’il touche ainsi que son propre salut.
Une volonté détournée, façonnée par des pères absents ou méprisants, menant lentement à la chute et au rejet de sa propre humanité.

La peine et la mélancolie qui émanent de Perturabo suscitent la pitié. Impossible de ne pas compatir à sa douleur, mais il est tout aussi difficile de ne pas le blâmer pour son aveuglement.
Sa obstination à refouler ses émotions, jusqu’à détruire ceux qu’il aime, crée une tension morale fascinante :
La ténacité est une vertu, mais l’obstination devient ici un vice, un puissant venin qui vient nécroser le coeur du Primarque pour ne laisser que du fer.
De ce contraste naît un personnage tragique, oscillant entre courage et folie : une belle référence au théatre de la Grêce antique.

Le dernier chapitre, dominé par un dialogue d’une intensité remarquable, vient sceller le destin du Primarque et laisse une empreinte durable sur le lecteur.

On aime ce tome parce qu’il présente un avant, un pendant et un après de Perturabo.
L’auteur parvient à englober ce personnage complexe dans toute sa dualité, à travers ses réflexions, ses actions et les conséquences dévastatrices qu’elles entraînent.

Les plus

  • Exploration approfondie de la jeunesse de Perturabo.
  • Écriture fluide et évocatrice de Guy Haley.
  • Atmosphère inspirée de la Grèce antique, bien décrite.
  • Un Primarque humain, logique et profondément tragique.
  • Des seconds rôles de qualité.
  • L’aspect suicidaire des Iron Warriors bien illustré.
  • La faiblesse de Perturabo.

Les moins

  • Quelques lenteurs au début, dues à une exposition très détaillée.
  • La faiblesse de Perturabo.
5/5

Guy Haley signe ici l’un des portraits les plus humains d’un Primarque.
Entre tragédie grec et génie incompris, Perturabo : Le Marteau d’Olympia révèle un être aussi admirable que détestable, un esprit brisé par sa propre logique.