Critique de Les Anges de Caliban par Maestitia
Publié le Jeudi 16 mars 2023 | 9 révisions avant publication | 5 corrections après publicationLes pas du Lion sur la rampe de l’oiseau d’assaut résonnèrent de façon anormalement bruyante. La montagne était paisible. Le seul bruit y était le ronflement des réacteurs de l’appareil au régime minimum, et le souffle du vent par-dessus le terrain enneigé. La tempête gagnait en force, la neige venait en rafales plus épaisses, tachée d’un gris sale par les cendres qui tombaient avec elle. Les nuages étaient presque noirs, éclairés par une lueur orange, comme si l’Alma Mons était devenu un volcan.
Ce n’était pas de la lave qui éclairait la tempête. Le prométhium enflammé, le phosphex et les radiations changeaient la nuit en un crépuscule, en luisant par les plaies béantes qu’avait ouvertes dans la montagne l’offensive de la Dreadwing. Imprégné de lumière de l’intérieur, le pic de la Porte donnait l’impression d’une immense bougie de banquet, à la pointe nimbée d’un brouillard multicolore.
En regardant derrière lui, le Lion voyait à cinq cents mètres le cordon déployé plus bas sur la pente. Redloss se tenait sur le toit de son Spartan, la hache levée en un salut. D’autres chars barraient la grande route qui descendait jusqu’au pied des versants. Des patrouilles de guerriers et de Land Speeder se croisaient sur l’étendue de nature ravagée entre les postes de sentinelle fortifiés.
Redloss était allé très loin pour isoler la montagne, et le Lion avait même intégré à l’opération quelques guerriers qui n’étaient pas de la Dreadwing, stationnés à la frontière de l’Illyrium. Cela ne changeait rien. S’il voulait s’échapper, Curze trouverait un moyen. N’avait-il pas réussi à s’enfuir de l’Invincible Reason bien que la barge de bataille eût été entièrement confinée, et en état d’alerte, dans le vide en orbite de Macragge ?
Même si le Lion savait que Curze aurait pu se glisser à son gré entre les mailles du filet, il savait aussi qu’il n’en ferait rien. Le Primarque de la Ière Légion se présentait ouvertement sur la grande route principale à dessein, après avoir pris la voie des airs pour annoncer sa venue, comme si une fanfare avait joué et qu’un millier de space marines avaient scandé son nom.
Il voulait que Curze sache qu’il venait le chercher.
Seul.
Vulnérable.
Les Dark Angels, les Anges des Ténèbres, les Anges de la Mort, la Première. Telles sont les différentes appellations que portent les fils de Lion El’Jonson, Primarque et Seigneur Chevalier de Caliban.
Bien que cette Légion fasse partie des plus populaires de Warhammer 40 000 avec les Blood Angels, les Space Wolves ou encore les Ultramarines, elle ne m’est pas aussi familière que je le souhaiterais. En effet, les Dark Angels sont réputés être mystérieux, sauvages, taciturnes et trompeurs, pour ne pas dire menteurs. Oh ! J’entends les fans de la 1ère Légion rouspéter en énumérant toutes leurs qualités, rassurez-vous j’y viendrai un peu plus tard.
Un autre point important afin de bien comprendre le roman est de rappeler son contexte. Effectivement, Les Anges de Caliban est une œuvre qui s’insère dans la saga de l’Hérésie d’Horus à une période d’envergure qui se trouve être l’Imperium Secundus, mais aussi (et surtout) lors du bannissement de Luther et des Astartes calibanites sur Caliban.
Le récit est ainsi composé de deux trames distinctes. La première met en scène les machinations et conspirations sur la planète Caliban aux mains de Sar Luther qui fut récemment banni/puni par la Lion, tandis que la seconde trame narre la traque et la chasse de Konrad Curze sur Maccrage et ses alentours par le Primarque Dark Angel.
Petite piqûre de rappel à propos de l’Imperium Secundus. Suite à la Croisade des Ombres menait impitoyablement par les osts Word Bearers et World Eaters, les Milles Mondes d’Ultramar se retrouvent dévastés et isolés de l’Imperium. Le warp est fortement perturbé par les rituels et sacrifices offerts aux puissances de la ruine, et empêche non seulement la navigation sécuritaire à travers les courants de l’éther, mais les communications sont inopérantes : impossible d’envoyer ou de recevoir des nouvelles de Terra, le secteur est aveugle, coupé du reste de la galaxie.
Pensant que l’Empereur a été défait, Roboute Guilliman décide d’instaurer en urgence un second empire et mandate Sanguinius (qui revient de Signus Prime après son affrontement contre le démon Ka’Bandha) et le Lion (qui est à la poursuite du Night Haunter depuis les évènements de Tsagualsa) à constituer le Triumvirat, nouvelle autorité, point de résistance et de ralliement des forces restées fidèles à l’Empereur.
Gav Thorpe est un habitué des Dark Angels, et notre expérience au sein de la rédaction est assez mitigée au sujet de cet auteur. Bien que sa plume se soit améliorée avec le temps, il reste évident que son style d’écriture souffre d’une lenteur souvent préjudiciable pour l’œuvre. Malgré cela, Thorpe est un écrivain qui sait toujours trouver les mots justes lorsqu’il est question d’émotions et de ressentis ce que je ne cesse de répéter sur les réseaux.
Malheureusement, la première moitié du roman (soit plus de 180 pages tout de même) est une longue scène d’exposition. Certes, la mise en place et la présentation des personnages restent essentielles, mais la façon de développer et d’exprimer les situations m’a laissé un profond sentiment de longueur.
Néanmoins, on prend beaucoup de plaisir à redécouvrir les fortes personnalités des Primarques. Le Lion, Sanguinius, Guilliman et plus tard Curze, sont très convaincants par leurs actions et leurs prises de paroles qui seront nombreuses tout au long du récit. C’est clairement leurs interactions qui donneront du rythme et du volume aux différentes intrigues prenant places sur Maccrage.
Pour ce qui est de Luther et des pérégrinations des Astartes calibanites, on accepte volontiers l’atmosphère mystérieuse, mais moins la mollesse qui l’accompagne. Je me suis tout de même accroché à la lecture, bien décidé à découvrir les secrets. Ce qui est fascinant sur Caliban, c’est la richesse de la planète et du lore qui la compose. L’Ordre de chevalier, les forêts et les légendes qui persistent au sein de l’organisation guerrière malgré la colonisation par l’Imperium rende la planète unique en son genre.
Par la suite, le roman relate comment et pourquoi Luther mène les calibanites à la sédition contre l’Imperium. On constate une forme d’ostracisation des natifs de Caliban envers les Space Marines terrans. Certains sont plus enclins à suivre l’Empereur, tandis que les autres penchent plus pour Luther et les anciennes traditions de l’Ordre.
J’ai été passionné par le dilemme dont Luther est victime. Grâce à ce roman, nous apprenons que Luther ne déteste pas le Lion, et n’est pas non plus jaloux, ce dernier le considérant comme son propre fils autant que comme son frère. Une véritable compassion s’établit alors entre le lectorat et ce personnage. En outre, je crois sincèrement au discours magistral que nous offre Gav Thorpe lors de la scène du banquet. Banquet qui m’a fortement rappelé Les Noces Pourpres de la saga du Trône de Fer. Cet évènement qui s’étend sur plusieurs chapitres, est excitant à lire, car il vient provoquer plusieurs sentiments intenses tels que le suspense, la surprise, la peine et l’honneur.
Du point de vue du Lion, l’enjeu sur Maccrage est tout autre : le Night Haunter est en cavale et sème le chaos dans son sillage, insufflant par la même occasion le sentiment de révolte parmi les populations locales qui prennent les armes contre Roboute Guilliman et son autorité. Le Primarque de la première se doit de neutraliser le Night Lord par tous les moyens.
Mais avant, il faut le trouver. Pour cela tous les moyens sont bons, y compris les moins conventionnels comme le bombardement massif au phospex des cités dissidentes. Le Lion est déterminé et prêt à tout pour mettre la main sur Konrad, ce qui n’est pas toujours du goût du Triumvirat. Là où le Lion fait office de chef de guerre, Guilliman incarne l’administration et la politique tandis que Sanguinius symbolise la sagesse erratique.
Cette trame comporte quelques chapitres passables, mais le rythme et la tension augmenteront lorsque le Lion partira véritablement en chasse dans les montagnes enneigées de l’Illyrium. Le duel entre les deux Primarques est dynamique et fidèle. Un Lion sauvage à l’instinct surdéveloppé face à une ombre assassine et sournoise comme Curze. Un chapitre complet est dédié à cet affrontement que le lectorat saura apprécier comme un dessert après un repas interminable. Toutefois, l’auteur nous réserve encore quelques surprises qui vont littéralement accélérer le récit pour terminer en un climax de révélations avec le procès de Konrad Curze !
En résumé, il m’est difficile de noter ce roman, car il n’a fait que me surprendre tout au long de ma lecture. Parfois mou et passable, le récit puise néanmoins sa force dans les joutes verbales de quatre Primarques, mais aussi dans les secrets dévoilés. Beaucoup de mystères seront résolus et aucune frustration ne persistera. Quoi qu’il en soit, Les Anges de Caliban est selon moi essentiel à l’Hérésie et à l’arc de l’Imperium Secundus, car il marque un changement de cap drastique pour le Lion, les Dark Angels et le Triumvirat.
Les plus
- Quatre Primarques au menu, tous biens dépeints et convaincants.
- Une plongée fascinante dans le lore de Caliban et de l’Ordre.
- L’affrontement immersif du Night Haunter face au Lion.
- La scène remarquable du banquet.
- Le procès magistral de Konrad Curze.
- L’identité révélée de Cypher.
- La Dreadwing.
Les moins
- Une longueur difficile en début de roman.
- Une partie de chasse qui peine à démarrer.
- Sanguinius effacé.
- Apparition tardive du Primarque Night Lord.
Dans ce roman le Lion et ses Dark Angels brillent par leur force de caractère que ce soit sur Caliban ou Maccrage. Malgré une première moitié qui traîne un peu la patte, Gav Thorpe parvient à nous accrocher en attisant notre faim pour les révélations, utilisant habilement la psychologie des personnages. Il y a définitivement de quoi se mettre sous la dent !