Critique de La Damnation de Pythos par Priad
Publié le Samedi 19 mai 2018 | 8 révisions avant publication | 3 corrections après publicationSous la puanteur des bêtes massives, Galba discerna l’autre odeur.
— Il y a du sang, dit-il. Beaucoup de sang.
— Débarrassez-moi de ça, ordonna Atticus.
Au moment même où il parla, les animaux reniflèrent la présence des intrus. Ils se détournèrent des carcasses qu’ils avaient été en train de dévorer. Leurs têtes étaient massives, carrés, avec des mâchoires énormes, comme des pinces énergétiques. Ils rugirent en révélant des dents si aiguës et si fines qu’elles ressemblaient davantage aux instruments d’un tortionnaire qu’à des crocs de prédateurs.
— Ce devrait être des herbivores, dit Ptero.
Galba crut discerner de la stupéfaction dans la voix du Raven Guard. Il leva son bolter et visa.
— Que voulez-vous dire?
— La forme de leur corps, de leur tête. Comment peuvent-ils être des prédateurs efficaces? Ils doivent être trop lents.
Le troupeau chargea. La terre trembla.
Que feriez-vous si après avoir fui le massacre d’Istvaan, vous vous rendiez, en présence de survivants dont vous ignorez l’allégeance, sur une planète où la flore est aussi dangereuse et létale que la faune sauvage qui l’habite ? Bienvenues sur Pythos. Appartenant au système de Pandorax, Pythos est une planète connue pour son environnement inhospitalier. Il ne serait pas surprenant que vous soyez déjà familier avec cette planète si vous avez déjà entendu parler de La campagne de Pandorax impliquant des personnages comme le Colonel Striken, Azrael ou encore le Maître de Guerre Abaddon. Cependant ce que David Annandale nous présente ici est un roman origine nous contant l’arrivée des premiers Space Marines sur Pythos durant l’Hérésie d’Horus.
Après avoir fui le massacre d’Istvaan, Le Capitaine Atticus et sa 111ème Compagnie arrive dans le système de Pandorax à bord du Veritas Ferrum. Alors que Pythos apparaît à l’horizon, le vaisseau traverse soudainement des débris flottant dans l’espace, comme le signe d’un mauvais présage. Dès les premières pages, le contexte est posé mais les lecteurs, tout comme les Salamanders et Raven Guard à bord s’interrogent sur cette destination inconnue. Il ne fait pas bon se trouver sans légion en ces temps de troubles et Sergeant Khi’dem des Salamanders et Ptero de la Raven Guard vont rapidement en prendre conscience. Les Iron Hands, étant des plus méfiants à leur égard, ne leur donneront aucune réponse sur leur objectif de mission laissant le Salamander, Raven Guard mais aussi nous lecteur dans le flou le plus absolu. Il nous faudra peu de temps pour réaliser que Pythos n’a rien d’un camp de vacances et que rien n’aurait pu préparer nos héros au mal qui ronge cette planète.
S’inscrivant dans la longue série de l’Hérésie d’Horus, La Damnation de Pythos n’est pas véritablement une lecture indispensable à la saga. Davantage un prétexte à nous conter une histoire épique sur les Shattered Légions, le roman se veut être un divertissement en premier lieu éclaircissant les origines de Pythos au passage. Et c’est bien ici que le problème débuta pour moi considérant le potentiel d’une telle histoire.
Dans la veine de tout boltporn, l’action sera au rendez-vous et les longueurs quasi absentes, donnant un ton très Space Marine Battles à l’œuvre. Alors que pour certains cela pourra être perçu comme une qualité, il n’en fut rien pour ma part. Au-delà de l’originalité du lieu d’action, mettant en scène des bêtes monstrueuses ainsi qu’une flore dense à vous donner une sensation d’étouffement, La Damnation de Pythos reste avant tout très classique dans sa construction et ses personnages. Le style de l’auteur, utilisant des phrases courtes, donnera certaines fois un aspect très simpliste à l’œuvre mais offrira en contre-partie plus de mordant aux scènes d’action.
Cependant, pourquoi ne pas avoir écrit le récit depuis le point de vue des Iron Hands uniquement, décrivant des scènes de doutes et de paranoïa à propos des Raven Guard et Salamander à bord ? Pourquoi ne pas avoir profité de cette occasion pour nous apprendre plus sur la légions des Iron Hands et de leur Primarque ? Un simple chapitre flash back aurait pu donner plus de profondeur au personnage d’Atticus qui reste très convenu finalement malgré le fait que c’est maintenant la seconde fois que nous le rencontrons dans l’Hérésie. En effet Veritas Ferrum, un court audio drama mettait déjà en scène notre Capitaine faisant face à un choix cornélien : venir en aide à son Primarque ou bien sauver ses frères d’une autre légion. Alors que le personnage était bien construit à l’époque, Atticus ne passionnera pas les foules dans ce roman. Le lieu d’action restera aussi discutable, le roman ne clarifiant pas vraiment les origines de Pythos, mais étant plutôt un prétexte pour voir des Space Marines tiraient sur des bêtes sauvages dans une forêt en folie.
Alors que certains pourront apprécier son caractère boltporn avant tout, la cohérence du récit m’a posé plusieurs problèmes. Il n’est jamais clairement indiqué pourquoi des colons arrivent sur Pythos, et même si la raison devient rapidement évidente (prier les Dieux Sombres pour réveiller le mal qui habite la planète), ce n’est qu’en connectant le roman avec Sermon Of Exodus que cela prend du sens. Sortie en premier dans Sedition’s Gate, un recueil de nouvelles en édition limitée, Sermon of Exodus raconte comment les davinites partent en exode afin de prier les forces du Chaos pour les Légions Traitres. Il est maintenant possible de lire cette nouvelle en français dans La Guerre Eternelle.
Il est évident que David Annandale a souhaité connecter ses propres histoires entre elles cependant prendre en compte l’ignorance de ses lecteurs aurait dû faire partie du travail d’écriture, Veritas Ferrum et Sermon of Exodus n’étant jamais clairement référencés. Un autre problème majeur fut pour moi le laxisme des Iron Hands à l’égard de ces colons. Il faudrait être naïf pour les laisser prier de manière innocente de leur côté en ces temps de folie. C’est d’ailleurs ce laxisme qui les mènera dans la dernière partie du roman à faire face au Chaos.
Le dernier quart du livre sera une bataille sans interruption, et selon moi la meilleure chose que ce tome a à vous offrir. Mais là encore, difficile de vraiment y croire. Rappelons que nous sommes encore en des temps où le Chaos n’est qu’un mythe et nos héros feront face à de nombreuses viles monstruosités, sous un soleil de pierre, sans jamais vraiment exprimer la surprise, le choc ou le doute sur les vérités impériales qui à ce moment précis devrait être remises en question.
Il y aura bien évidemment des scènes marquantes où nos héros devront survivre à une vague de plantes sauvages au milieu d’une jungle dont le sentiment d’insécurité est à vous rendre fou, ou encore face à des vers géants déferlant sans interruption. Cependant, le sentiment de ne jamais vraiment toucher au sujet d’origine (le mal rongeant Pythos, mais aussi la difficulté de survivre sans la fraternité de sa légion) continuera durant tout le livre.
Dans la même veine, Les Faux Dieux de Graham McNeill décrira bien mieux la lente approche du Chaos s’infiltrant dans la loge d’Horus. Retour au Mont Deathfire de Nick Kyme sorti plus tard quant à lui, racontera efficacement les doutes dans les esprits d’une légion essayant de survivre sans les directives de leur Primarque. Avec une série s’étendant dans toutes les directions et sur tous les supports, il est clair qu’il devient difficile pour nos auteurs de renouveler nos attentes, La Damnation de Pythos est malheureusement une vaine tentative dans cette direction.
Il est probable qu’une sortie dans les 10 premiers tomes de l’Hérésie d’Horus aurait donné plus de crédit à cette histoire mais ce tome 30 se situant entre des tomes majeurs comme La Bataille de Molech et Retour au Mont Deathfire, il deviendra difficile de s’intéresser à cette histoire très secondaire finalement. La Damnation de Pythos aurait peut-être mieux fonctionné sous un format type novella, plus court et souvent dispensable.
Les plus
- Une histoire sur les Shattered Legions.
- Du bolter, en veux-tu en voilà.
- Un roman sans aucune longueur pour une fois.
- Un final en mode descente en Enfer avec de très bonnes idées.
- Un environnement unique...
Les moins
- ... mais qui ne s'inscrit pas vraiment dans la construction du récit.
- Un roman qui suit parfois trop le modèle Space Marine Battles.
- Une trame impliquant des colons bien trop fine à mon goût.
- Un manque de confiance entre les Légions (Iron Hands, Raven Guard et Salamanders) déjà vu et revu. En tant que lecteur il devient fatiguant d'entendre la même chanson encore et encore.
- L'origine de Pythos... oui mais nous aurions voulu en savoir plus.
- Des connexions difficiles avec d'autres contenus du même auteur.
- La naïveté des Iron Hands.
- Des incohérences parfois difficiles à digérer.
Énième opportunité de rappeler l'importance des Shattered Legions, La Damnation de Pythos sonne surtout comme un roman dédié aux Iron Hands. Cependant alors que chaque tome dédié à une légion nous offre souvent une chance de plonger au cœur de cette dernière et de son fonctionnement, ce roman-ci ne s'étend malheureusement pas dans cette direction, donnant une sévère impression de faire face à un roman spin off ayant peu de légitimité au sein de la série. Le roman n'est pas désagréable à lire mais son caractère fort dispensable le relaiera aux moins bons tomes de la série malheureusement.