Critique de Esclaves des Ténèbres par Maestitia
Publié le Vendredi 1 septembre 2023 | 6 révisions avant publication | 1 correction après publicationMaloghurst en doutait assez pour ne pas lui faire confiance, même si le Maître de Guerre l’avait introduit dans son conseil. Qui le démon servait-il en réalité, et à quelle fin ? Maintenant plus que jamais, la question exigeait une réponse. Maloghurst regarda autour de lui, vers les passages obscurs.
— Ta visite a-t-elle l’accord des autres ?
— Je vais où bon me semble, répondit l’hôte démoniaque.
— J’ai déjà entendu quelque chose de ce genre.Tormageddon haussa les épaules, en un geste étrangement fluide qui fit tomber le givre de son corps.
— L’Autre Horus n’aurait de toute façon pas les moyens de me retenir.
— Dans quel camp es-tu, créature ? demanda Maloghurst, et Tormageddon prit l’air intrigué. Tu sais de quoi je parle, démon.Tormageddon souriait de toutes ses dents, qu’il avait fort effilées.
— Ton engeance capricieuse va nous faire perdre la guerre, dit Maloghurst. Alors même que le Maître de Guerre était sur le point de l’emporter.
— Serais-tu surpris, Maloghurst, si je te disais que je m’en moque…Maloghurst fixa les yeux d’ambre, puis secoua la tête.
— Non, bien sûr que non.
— Je vais juste te poser une question, Maloghurst…La voix paraissait sortir de plusieurs gorges. Le démon s’approcha, et se caressa les vestiges des traits de Noctua du bout des doigts.
— Pourquoi t’en soucies-tu ?
— Le Maître de Guerre…
— Tu es un homme puissant, subtil… impitoyable… et pourtant tu ne sembles pas avoir d’ambition propre. Tu as l’âme et le calibre d’un seigneur et tu te contentes d’être un serviteur… Pourquoi ?Maloghurst cligna des yeux une seconde, et au coin de son esprit, il vit le feu projeter l’ombre des gangers sur les parois de la mine. Leur rire leur faisait des rictus carnassiers. Il sentit l’odeur du poussier et des cendres, l’odeur d’un foyer abandonné il y a si longtemps.
— Pour des raisons qui n’appartiennent qu’à moi, dit-il.
L’hôte démoniaque le regardait, les pupilles étrécies comme des fils de rasoirs.
— Tu ferais tout pour qu’il gagne cette guerre…
— Tu le sais.Tormageddon hocha la tête d’un air entendu.
— Oui, je le sais. La question est, es-tu disposé à laisser autrui payer le même prix ?
— Que veux-tu dire ?
— La guerre, Maloghurst. La guerre et le meurtre.Maloghurst referma les yeux, et durant cette tranche de temps il vit le démon Amarok avec le visage d’Iacton Qruze, le parchemin cloué au sternum, le mot « Meurtre » tracé en rouge.
— Tu crois pouvoir ramener Horus, et l’aider à gagner la guerre en lui…
— Je le peux.
— Peut-être… Mais il te faut sortir de l’ombre, et mettre de côté tes intrigues d’aragne. Aximand t’empêche d’agir par ignorance, et Kibre par peur. Abaddon n’est pas là pour choisir un camp. Donc tu es enfermé dans le noir, impuissant à agir, pendant que Lupercal s’étiole en rêvant.Il doit se soumettre… se souvint-il immédiatement.
— Tu es donc venu pour souligner la futilité de ma situation ? grinça Maloghurst.
— Non, je viens voir si tu accepterais ma proposition visant à te donner le commandement de la légion.Le navire vibra de nouveau dans le silence. Maloghurst sentit physiquement le recul des canons et l’impact des tirs alors même que les paroles du démon restaient en suspens dans son crâne. Il secoua la tête.
— Nous formons une légion, dit-il. Nous sommes les fils du Maître de Guerre. Nous ne nous retournons pas les uns contre les autres.
— Oh que si, contra le démon.La voix était sèche et râpeuse, les cordes vocales usées, mais elle était identifiable. Ce n’était pas le crissement de la voix mentale du démon, ni le grognement chantant de Grael Noctua. C’était la voix de Torgaddon, mort depuis des années sur le bûcher d’Isstvan III.
— Kibre et Aximand sont fidèles à Lupercal, ils sont…
— Ils font obstacle. Qu’est-ce que tu veux, Maloghurst ? Aider ton Maître de Guerre, ou te laisser retenir par la fidélité à un idéal dont tu fus le complice du meurtre ?Meurtre… Le mot investit à nouveau ses pensées.
— Il faudra prendre garde.
— N’est-ce pas toujours le cas ?Il regarda le démon dans les yeux.
— Quelle puissance sers-tu, créature, pour vouloir m’aider ainsi ?
— Mes mobiles ne regardent que moi.Et cette réponse m’inquiète plus que tout, pensa-t-il.
— Très bien, frère, dit Maloghurst. Nous sommes d’accord. Que la guerre et le meurtre soient.
Le démon baissa la tête, le masque de son visage toujours barré d’un sourire.
Horus, le Maître de Guerre, élu des dieux de la Ruine, est mourant. Ce n’est pas par une arme ordinaire qui l’a mis dans cet état, mais la Lance de l’Empereur, un artefact forgé par le Maître de l’Humanité en personne. Cette arme légendaire a pénétré profondément dans la chair et l’âme du Primarque renégat grâce à la bravoure et à la détermination sans égale de Leman Russ, le roi des loups.
Bien que le seigneur des routs a été lui aussi gravement blessé, ce dernier a su affaiblir un Maître de Guerre qui se pensait invincible, notamment suite aux bénédictions reçues sur Molech. À présent, Horus est tombé dans un profond coma. Il est assis sur son trône démoniaque à bord du Vengeful Spirit et sa présence s’estompe. La réalité et le warp se disputent le Primarque, des fantômes carmin oscillent autour de son corps inerte et du sang noir coule abondamment de sa blessure.
Les Sons of Horus et tous les traîtres sont sans Maître de Guerre, mais Maloghurst, écuyer d’Horus, ne compte pas laisser son seigneur ainsi. Sa première action est de faire exécuter tous les témoins de la blessure du Maître de Guerre. Personne ne doit savoir ce qui s’est passé. La vérité doit être cachée à tous, mais combien de temps le secret pourra résister ?
Le lectorat s’excite et je vous comprends, voici la dernière péripétie d’Horus avant le Siège de Terra ! Et quelle histoire, ce tome intitulé Esclaves des Ténèbres est écrit par John French. Et vous savez ce que ça veut dire : un roman découpé chirurgicalement selon les personnages impliqués. J’aime cette construction, bien qu’elle puisse parfois avoir ses limites, en particulier si vous n’aimez pas avoir votre chapitre divisé en trois parties.
Car en effet, l’auteur construit ce tome via trois intrigues qui se répéteront de manière cyclique. Le chapitre s’ouvre toujours par Maloghurst, l’écuyer d’Horus Lupercal suivit de Zardu Layak, le nouvel apôtre noir des Word Bearers pour conclure avec Volk, commandant de la 786ème grande escadre Iron Warrior.
Bien que l’on puisse reprocher la découpe des chapitres en trois sections, il est impossible de nier la qualité d’écriture de monsieur French. Cet auteur possède la puissance des mots pour générer des ambiances, des dialogues et de l’action délectable. J’entends par là, que lorsque French nous raconte quelque chose, c’est toujours fait de manière captivante. J’ai évidemment adoré ce tome qui vient remuer la vase une dernière fois.
Côté traître, rien ne va plus. Les Primarques renégats sont dispersés et ont tous plus ou moins leurs propres agendas quand ils ne sont pas perdus dans l’espace (on pense à toi Curze). Horus veut réunir une dernière fois les Primarques avant l’assaut de Terra. Pour ce faire, il choisit Ullanor comme lieu de rencontre. La problématique est multiple, car rien n’est jamais simple avec le Chaos.
C’est vraiment les intrigues qui sont délectables dans ce tome. En effet, plusieurs problèmes s’additionnent. Premièrement, Horus est dans l’incapacité de prendre des décisions, étant cloué sur son trône entre la vie et la mort. Deuxièmement, pour rendre ce rendez-vous entre traîtres possible, il faut remettre la main sur Angron et Fulgrim (Mortarion étant déjà en partance pour Terra). Troisièmement, Lorgar a deviné la faiblesse d’Horus et veut en profiter pour prendre sa place en l’assassinant sur Ullanor. Voici donc le cocktail explosif qui nous est servi avec Esclaves des Ténèbres.
C’est un tome très important pour la saga de l’Hérésie d’Horus, car le thème principal reste la trahison au sein même des traîtres ! Mais aussi et surtout, la condition très ambiguë d’Horus. Car oui, le Primarque de la XVIème Légion est un renégat, mais s’est-il totalement soumis aux dieux noirs ? Il semblerait que non. Lorgar en est conscient et partagera cette connaissance à Maloghurst : Horus doit se soumettre pleinement au Chaos s’il veut avoir une chance de vaincre l’Empereur. Alors que l’écuyer se tuera à la tâche tout le long du roman, le Primarque des Word Bearers partira à la recherche de Fulgrim à travers la Toile des Eldars.
À l’aide de Layak, le nouvel apôtre noir de la XVIIème, (Erebus, si tu nous entends, on ne te regrette pas), Lorgar a pour machination de retrouver son frère démoniaque et de le lier à lui, comme on domestiquerait un animal. Aurelian veut utiliser Fulgrim pour son putsch contre Horus. De l’autre côté de la galaxie, c’est à Perturabo que revient la tâche ingrate de ramener Angron, qui, je le rappelle, et lui aussi devenu un Prince Démon.
Côté Maloghurst, j’ai adoré lire les sacrifices que l’écuyer est prêt à faire pour ramener son seigneur à la vie. Énormément de référence à Cthonia, le monde natal des Sons of Horus qui permet d’ajouter une profondeur aux personnages de la légion. Je pense à Kibre, Aximand, Argonis et bien sûr Mal. J’aime aussi beaucoup la présence de Tormageddon, le non-né qui prend une place intéressante au sein des fils du maître de guerre. Constater de la félonie parmi les traîtres est jouissif, ces derniers s’entre-tuant pour un oui ou un non, cela offre au lecteur une vision sale et immorale de l’anarchie qui règne à l’intérieur des légions hérétiques. Bref, un délice.
Si on parle des Iron Warriors, ces derniers sont encore sollicités pour faire le sale travail. Ramener le plus incontrôlable des Primarques. Et pourtant… S’il y a bien un Primarque pour mettre à terre l’avatar du dieu du sang, c’est bien lui. Avec la IVème légion, le lecteur aura droit à de la froideur, de la destruction massive et des pertes colossales parfaitement acceptée. Les calculs inhumains et les stratégies brillantes pour mettre à mal les Ultramarines aussi bien que les World Eaters font aussi partie des grandes qualités des Iron Warriors.
Ce que j’ai le plus apprécier chez eux est le calme glacial dont fait preuve le Primarque Perturabo alors que la situation est simplement apocalyptique. Ce Primarque possède un tel sang froid, qu’il est capable d’encaisser tout et n’importe quoi. L’auteur réussi parfaitement à l’incarner et chaque phrase, chaque page décrivant son attitude ou ses paroles sont badass. Lorsque l’on donne un ordre à la IVème, elle l’exécute et elle l’exécute très bien.
Concernant les Word Bearers, je suis une peu plus mitigé. Je m’explique. Je trouve ça génial le fait que Lorgar sache que Horus ne se soit pas totalement soumis aux dieux et qu’à cause de cela, il veuille devenir calife à la place du calife, c’est tout à fait dans l’esprit. Cependant, ce que je trouve grossier, c’est la présence forcée de l’apôtre. Pour moi, Zardu Layak a été créé uniquement pour trahir Lorgar.
Je ne vais pas détailler ce point, mais il n’empêche que c’est le sentiment que j’ai ressenti après ma lecture. Encore une fois, voir Lorgar utiliser Fulgrim comme un outil et une belle idée. D’autant plus efficace lorsque vous avez un auteur comme French qui sait incarner aussi bien la taciturnité de Perturabo que l’exubérance du Primarque Emperor’s Children. Il fallait expliquer pourquoi Lorgar ne participe pas au Siège de Terra. Nous avons la réponse grâce à ce tome.
En conclusion, le roman est centré sur les intrigues, les trahisons, les alliances changeantes et les affrontements entre les Primarques et leurs légions dans un contexte de guerre galactique. Une fois que vous avez pactisé avec le Chaos, vous devez en payer le prix : votre libre arbitre. Je recommande donc ce tome qui plonge le lectorat au cœur de ce qu’est véritablement le Chaos, un véritable voyage en enfer.
Les plus
- Des Primarques tous plus corrompus les uns que les autres.
- Maloghurst qui brille par sa terrifiante obstination.
- Ekaddon et Tormageddon qui prennent une place forte dans la légion.
- Volk et son escadre à toute épreuve.
- Perturabo l'imperturbable.
- Fulgrim qui se moque de tout et sans vergogne.
- Lorgar en mode victime.
Les moins
- Je cite un abonné Twitter concernant Zardu Layak : "Layak gagne le prix Kor-phareon de la serpillière.".
Esclaves des Ténèbres est un maelström d’anarchie et de Chaos qui se propage profondément au sein des légions renégates. Maloghurst porte la légion et Horus à bout de bras tandis que Perturabo et ses fils font le sale travail pour ramener Angron et que Lorgar formante un putsch ignoble à l'aide de Fulgrim. Un cocktail délicieux de traîtrises immorales.