Critique de Mon nom est Carnage par Maestitia
Publié le Lundi 21 décembre 2015 | 5 révisions avant publication | 3 corrections après publicationIl devait se référer aux broches, insignes et autres marquages d’unité sur les épaulières afin de lire le rang de l’Imperial Fist.
Le magos biologis acquiesça légèrement et comme en s’excusant, hésita :
« Capitaine Koorland de la seconde compagnie Daylight Wall…
— Je suis second capitaine de la compagnie Daylight Wall, corrigea Koorland.
— Ah, bien sûr.
— Oubliez les rangs, retenez de nous uniquement nos noms de gardiens (wall-names).
— Vos quoi ? »
Koorland soupira. Cette homme semblait en connaître plus sur les xenos de cette planète que sur les guerriers envoyés pour la protéger.
« Nos noms de gardiens, dit-il, lorsque nous sommes intronisés, nous oublions nos noms respectifs. Nous octroyons à nos frères des surnoms qui reflètent leur caractère : un nom de gardien. »
Le magos intéressé acquiesça poliment. Koorland dirigea sa main vers les Space Marines qui passaient devant eux.
« Voici Fusillade. Là-bas, c’est Dolent. Ici, Mort-Subite.
— Je comprends, répondit le magos biologis, ce sont des noms hérités, des noms propres à la fraternité. »
Koorland approuva.
« Quel est votre nom capitaine, votre nom de gardien ? demanda-t-il plus distinctement.
— Mon nom? Je suis Carnage (I am Slaughter).
Aujourd’hui, je vais m’attaquer à quelque chose de nouveau. Quelque chose de très gros si l’on en croit les dires de la Black Library. Je me dois pour cette critique un peu particulière, de brasser et d’étaler un certain nombre d’éléments afin que l’on puisse se faire une idée plus claire et précise de ce que représente cette nouvelle saga en plus de mon avis concernant ce premier tome. Tout d’abord, la construction ainsi que l’ambition affichée derrière cette nouvelle série prénommée The Beast Arises (La Bête s’éveille).
Si l’on se réfère au synopsis de l’éditeur, nous apprenons que The Beast Arises est une série « encore plus épique que la plus épique histoire que vous ne pouvez imaginer » … C’est une nouvelle ère qui sera narrée et donc exclusive dans l’univers de Warhammer 40 000. Nous explorerons en guise d’introduction, le combat prodigieux de la totalité du Chapitre des Imperial Fists déployé face à une invasion de peaux vertes sans précédent. On nous explique aussi que nous aurons droit au point de vue de Terra grâce aux intrigues et autres manigances de ses Hauts Seigneurs, mais aussi à « une chute vers l’horreur dystopienne que nous connaissons tous ». Comprenez ici le 41ème millénaire.
De plus, nous savons que cette série sera rédigée en collaboration avec plusieurs auteurs de la Black Library tel que Rob Sander, David Annandale, Gav Thorpe ou encore Ben Counter pour ne citer qu’eux. Et tout comme l’Hérésie d’Horus, c’est le Sieur Dan Abnett qui ouvre le bal. Il me sera donc impossible de ne pas user de comparaisons entre les deux séries, puisque c’est l’argument principal de la maison d’édition. Attention, terrain glissant !
Utiliser les hyperboles et les emphases dans un synopsis a le don de m’horripiler. C’est la première fois que je lis ce genre de formule autant dépourvue de subtilité de la part de la Black Library. Ont-ils vraiment besoin d’exagérer à ce point pour vendre leurs copies ? Il semblerait ; ou bien serait-ce le public visé qui n’est plus le même ? J’y reviendrai plus tard.
Toujours est-il que lire du Abnett est très rarement décevant et que le contexte du 32ème millénaire (post-hérésie) peut être une source littéraire très riche. Ajustez vos bolters, on est parti !
The Beast Arises compte pour son premier tome 238 pages, là où L’Ascension d’Horus en comptait plus de 410. Inutile de préciser que le développement, l’intrigue, mais aussi l’immersion ainsi que les personnages seront bien moins approfondis que dans la saga phare de la Black Library. Je vous ai dit que ça glisserait !
L’introduction au contexte donc : la quasi totalité du Chapitre des Imperial Fists a été mobilisé sur Ardamantua afin d’éradiquer une forme de vie xeno dénommée Chromes. Ces Chromes sont aisés à tuer, mais terriblement nombreux, ce qui pousse le Chapitre à une tel déploiement de force, mais plus particulièrement à quitter les murs de Terra après plus de mille ans de garde. Toujours pas d’orks à l’horizon pour l’instant.
Au sol, nous ferons connaissance avec le second capitaine Koorland de la compagnie Daylight Wall ainsi que du magos biologis Lorentis, spécialiste dans l’étude de xeno. On notera dès le début, la particularité singulière de Dan a vouloir implanter de nouveaux concepts de background dans ses romans (voir Légion ou Prospero Brûle). Ici, chaque Astartes oublie son nom de baptême pour celui de wall-names. Après nous avoir présenté Killshot, Dolorous ou encore Frenzy, voici que se présente le capitaine sous le surnom de Slaughter.
Le premier chapitre une fois terminé, on prend conscience de la familiarité qu’utilise l’auteur afin de créer un lien fort avec son lectorat. Le soucis est que les punch lines sont souvent, trop souvent usitées au cours des 200 pages du roman. Pour exemple, sachez que la phrase d’introduction I am Slaughter citée plus haut qui fait son petit effet au chapitre un, va être réutilisée et perdre immanquablement en pertinence au fil de l’histoire. Cela m’a fortement attristé, car venant d’un auteur comme Abnett, j’en attendais un peu plus en terme d’efforts. Le voir abuser de telles facilités en est déconcertant.
On oubliera malgré tout ses facilités grâce à une immersion fabuleuse dans les combats. Les scènes d’actions, spécialement celles au corps à corps, sont poignantes et mettent véritablement en valeur les Imperial Fists. Le lecteur ressentira la puissance prodigieuse ainsi que le prestige de l’Adeptus Astartes comme Abnett sait si bien le faire. De plus, ses descriptions métaphoriques, apportent une dose de lyrisme et de poésie non négligeable. Aaah Abnett, tu nous manques ! Le roman, bien qu’étriqué à mon goût, saura convenablement dispenser ces phases d’affrontements prestigieux ainsi que ces intrigues mystérieuses.
Les intrigues, nous y voilà. Cela a été pour moi les morceaux les plus agréables de ma lecture avec les scènes de combat. On ne présente plus Abnett pour son don des intrigues bien ficelées, ni pour ses personnages mémorables aux alignements toujours mystérieux mais séduisants (cf John Grammaticus). Sur Terra, c’est en la compagnie de Drakan Vangorich que nous tenterons de comprendre ce qu’est devenu l’Imperium durant cette courte période de paix. Qui dirige depuis que l’Empereur n’est plus? Pourquoi et comment? Qui a le plus d’influences et de pouvoir en ce 32ème millénaire ? Mais surtout, vers quoi tend cette nouvelle ère ?
Vangorich, quant à lui, n’est d’autre que le grand seigneur de l’Officio Assassinorum. Ancien sage du conseil de terra, il est aujourd’hui remplacé par l’Inquisition qui a pris sa place autour de la grande table. Toujours en activité dans les couloirs, il connaît le palais impérial mieux que quiconque et ce qui s’y trame. C’est le type de personnage ambiguë, dont les motivations profondes sont encore opaques pour le lecteur dans ce premier tome. Mais c’est une personnalité à laquelle on ne manquera pas de s’attacher. Son caractère étrange et énigmatique nous plongera peu à peu dans les manigances et les jeux de pouvoirs auxquels s’adonnent les Hauts Seigneurs de Terra, car un mal bien plus redoutable que les Chromes plane sur Ardamantua… Malheureusement, c’est aussi l’aspect du livre le moins développé et on peut le comprendre. Drakan étant l’une, pour ne pas dire la pièce principale de la série. Nous le reverrons à coup sûr.
Ce premier tome nous permet donc de situer le contexte de l’Imperium grâce à Vangorich d’un côté et Koorland de l’autre. La suite des évènements est captivante et il est inutile de vous dire que le livre se dévore avec passion. Les péripéties seront nombreuses et la majorité seront pertinentes, je pense notamment à l’apparition de la lune fantôme qui m’a beaucoup plu en terme d’élément perturbateur plutôt que de surprise. Je ne peux vous en dire plus, mais comptez sur le phrasé du père Abnett pour continuer à vous surprendre. Malgré toutes ces qualités, l’histoire n’a pas su me convaincre véritablement. Certes, les ingrédients classiques y sont bien présents, mais j’y ai deviné un modèle d’écriture trop classique. Le roman est court et bien que I am Slaughter remplisse parfaitement son rôle de kickstarter pour la saga, il m’a été impossible de ne pas ressentir un manque d’intérêt pour cette nouvelle saga.
Il est clair que la Black Library, en voulant mettre The Beast Arises au-dessus de l’Hérésie d’Horus, s’est lamentablement tiré un bolt dans le pied selon moi. Ce qui me pousse à penser que la maison d’édition semble avoir la volonté de dévier quelque peu le cap concernant le public qu’elle souhaite atteindre via un format plus court et condensé. En effet, ce premier roman est une réussite en soi : il sert bien d’introduction à cette nouvelle ère tout en gardant l’apparition des peaux vertes pour les cinq derniers chapitres du livre libérant une tension que l’on traîne depuis le synopsis. Mais je garde bien plus cette impression de «mini-roman», qui, j’en ai bien peur, va aboutir à une pléthore d’ouvrages succincts dans lesquelles l’aventure n’avancera que peu.
Pour finir, je dirai qu’explorer le 32ème millénaire était pour moi l’argument le plus accrocheur et je n’ai eu que des miettes. Objectifs accompli pour Dan, car je veux connaître la suite, mais je garde malgré tout un goût amer dans la bouche. Si vous pouvez mettre la main sur une copie, je vous y encourage, mais par pitié, ne le comparez pas à L’Ascension d’Horus !
Les plus
- Une nouvelle ère, un nouveau fluff !
- Des personnages attachants de tout côté.
- Des combats épiques.
- Une plume fluide et belle.
- Un peu d'originalité.
- Une bonne introduction à la saga.
Les moins
- Des facilitées de style : trop de punch lines.
- Des effets de surprises inefficaces.
- Le jeu de pouvoir sur Terra n'est pas assez approfondi, même pour un premier tome.
- Les orks en toute fin de roman.
- L'aspect "mini-roman" désagréable, trop condensé.
I am Slaughter saura vous captiver grâce à la force d'un auteur qui n'a plus rien a prouver en nous offrant une œuvre qui se veut originale dans le fond tout en restant très classique par sa forme, le tout dans un nouveau format discutable dont le fil narratif semble être haché au poing-tronçonneur.