Hérésie d'Horus : seconde interview de Julien Drouet, traducteur officiel
Après plus d’un an et de nombreux tomes majeurs sortis pour l’Hérésie d’Horus, il est temps de reposer quelques questions au traducteur français de la saga, le bien nommé Julien Drouet.
Il nous avait déjà gratifié d’une interview l’an dernier, à l’instar de son collègue Philippe Beaubrun et d’autres dont on vous laisse relire les réponses. Mais entre Vulkan est Vivant, Imperium Secundus ou Vengeful Spirit il a eu du pain sur la planche et pas mal de choses à nous raconter une fois de plus.
Bonjour Julien, cela fait plus d’un an qu’on t’a interviewé, quoi de neuf depuis ?
Salut tout le monde ! Quoi de neuf ? Pour ce qui est de l’ordre du personnel, je vais essayer de me cantonner à ce qui va avoir un vague rapport avec le travail. Les enfants grandissent, et je peux commencer à leur parler un peu des horreurs que je traduits pendant la journée (même s’il faut encore que je reste assez schématique, et que je passe les trucs les plus gore sous silence ! M’enfin bon, ils savent qu’il y a des guerriers en armure du futur et des vaisseaux spatiaux.)
Un Dernier Bar avant la Fin du Monde a ouvert à Lille à cinq minutes à pied de chez moi ; même si je n’y suis pas si souvent que ça, ça fait du bien d’avoir un moyen facile de tremper dans la geekerie avec des vrais gens de temps et temps. Ma pratique de Warhammer 40,000 a un peu baissé ces temps-ci, il faut que je m’y remette. Sinon, et je suis tout à fait sérieux, je me suis mis à la broderie. Quand je bute sur un terme un peu difficile à traduire, je brode cinq minutes, eh ben ça me détend :)
Les deux recueils Les Ombres de la Traitrise et La Marque de Calth sont sortis en France alors qu’on ne les attendait pas/plus, peux-tu nous en dire plus sur ces sorties ?
J’ai bossé sur La Marque de Calth de façon un peu plus éclatée que sur les autres livres ; j’ai commencé par traduire quelques nouvelles quand BL a voulu tester des sorties successives en publication numérique, puis le bouquin a fini par sortir dans son intégralité au bout d’un temps. Bien sûr, beaucoup d’autres nouvelles de ce recueil sont très bonnes, mais ça m’a fait plaisir de retrouver Oll Persson et de le suivre dans ses pérégrinations post-Calth, surtout dans ses sauts à travers l’histoire.
En ce qui concerne Les Ombres de la Traîtrise, sur celui-là, je n’ai eu qu’un rôle de relecteur et d’harmonisateur. C’est quand même moi qui avais traduit « Le Roi Sombre » et « La Tour Foudroyée », mais ça remonte à pas mal de temps. Si vous aimez les recueils de nouvelles, devrait également poindre le bout de son nez L’Héritage de la Trahison, qui fut un travail collégial avec mes deux collègues Nathalie Huet et Gilles Chassignol.
Nous t’avions interrogé à peu près à la sortie de Vulkan est Vivant, mais tu as maintenant traduit le génial Imperium Secundus et le très bon White Scars, que peux-tu nous en dire ?
Que Chris Wraight a réussi un très bon travail, je trouve, pour donner une identité spécifique aux White Scars (qui sont dans une certaine mesure des joyeux poètes) au lieu d’en faire de simples Space Wolves chinois à moto. Le Khan lui-même dégage quelque chose de très fort. Et sur Imperium Secundus, que dire ? Que j’aime toujours autant Dan Abnett et ce qu’il fait, notamment avec les primarques et les Perpétuels. L’imagination dont il sait faire preuve en restant dans le cadre défini de l’Hérésie m’épatera toujours. Et cet art de la description ! Rien à faire, il est toujours au top.
Pour le diptyque Les Fils de Lupercal / La Bataille de Molech, tu es crédité avec Jérôme Vessière, comment vous-êtes vous organisé ?
Le partage a en fait été très simple : j’ai traduit le roman, il s’est chargé des nouvelles qui l’accompagnaient :)
Les nouvelles en question sont Luna Mendax et The Devine Adoratrice.
Vengeful Spirit fait débat au sein des Réclusiens, son format français a fait couler de l’encre et l’appréciation du contenu diverge beaucoup. Quel est ton avis sur ce tome et son format ?
J’avoue, je n’y vois pas un volume essentiel à l’histoire de l’Hérésie ; c’est vrai, Horus était un peu en retrait jusque-là, et c’était pas mal de lui rendre une part active (puisqu’après tout, c’est son hérésie à lui). Mais d’un autre côté, l’Empereur lui aussi apparaît de manière assez effacée et épisodique (les deux personnages n’ont pas non plus tout à fait la même stature, avouons). Pour ma part, j’ai assez aimé la digression sur la maison Devine, les Chevaliers, et toute leur intrigue de second plan.
Après, il y a la question du découpage en deux tomes. D’ordinaire, je trouve que ça n’est jamais une bonne idée : l’éditeur risque de s’aliéner le public qui a l’impression d’être pris pour une vache à lait. Dans le cas présent, BL a essayé pour une fois d’étoffer le roman en lui adjoignant deux nouvelles qui le plaçaient dans son contexte, ce qui à mon sens était utile, puisqu’il n’avait plus été question de Loken depuis la trilogie d’ouverture.
Seul regret : à mon avis, il en aurait fallu encore plus. Il manquait peut-être une petite nouvelle sur les Chevaliers Errants, qui là aussi, étaient une nouveauté dans la continuité des romans.
La BL a sorti 6 packs regroupant chacun 5 tomes de l’Hérésie d’Horus. Est-ce que ce genre de ressortie pourrait voir le jour en France ? Est-ce que les rééditions hors changement de format sont un travail pour toi, ou une influence par exemple sur la propriété intellectuelle de ton travail ?
Non, les rééditions n’affectent en rien mon travail, et je n’ai rien à voir avec elles ; s’il fallait y apporter une relecture supplémentaire et des modifications, ce ne serait de toute façon pas de mon ressort. Pour moi, une fois que mon texte est peaufiné et rendu, c’est la fin de ma participation au processus. Inutile donc de prendre mes proches en otages, je n’ai aucun pouvoir, pas le moindre !
Et concernant les ressorties… c’est tout à fait le genre d’initiative que pourrait prendre Black Library. Il faut bien voir que la série a débuté il y a sept ou huit ans ; « tempus fugit, tout ça », comme on dit en haut gothique. Et tout le monde n’avait pas nécessairement la chance d’être là dès le début des origines du commencement.
Priad et moi avons commencé les Fantômes de Gaunt par le tome Premier et Unique qui est sorti il y a presque dix ans en France, et qui est passé par ta plume. Que peux-tu nous en dire, et sur les Fantômes en général ?
Aaah, les Fantômes… Attention, je vais devenir nostalgique, ça va finir en tonton Julien qui déblatère au coin de la cheminée. Allez, venez vous asseoir sur mes genoux.
Les Fantômes, dans ma carrière de traducteur de romans, ça a été mon premier gros morceau. Je veux dire par-là, on s’attache, on suit leurs péripéties (pas toujours joyeuses, mais il ne faut pas que j’en dise trop, surtout si vous venez juste de commencer la série), ça devient un cadre solide, jalonné d’événements forts, où l’on voit un seul et même régiment, et les mêmes héros, se frotter à plusieurs types de guerre. Ayant pris part à tout ça (à la traduction, pas à la guerre, hein), j’ai légitimement eu l’impression que ça devenait un peu mon bébé à moi aussi. D’ailleurs, à l’époque de la toute première sortie en français de Sabbat Mater, le tome 7, chez Bibliothèque Interdite, Dan avait écrit un avant-propos pour l’édition française, et il ne mentait pas du tout en disant que le bouquin m’avait fait verser ma petite larmichette, ce que je lui avais confessé par mail. Et il y a une raison, mais là encore, je ne veux spoiler personne. Dites-vous bien qu’après être passé et repassé une trentaine de fois sur un même extrait pour être sûr que l’émotion passe bien, eh ben… oui, des fois, l’émotion passe bien :)
Pour en revenir aux racines de la série : on sent bien, dans le style et la construction, que le premier tome était aussi le premier roman de Dan Abnett. Et le format du deuxième tome des Fantômes (judicieusement intitulé : Les Fantômes), qui est un recueil de nouvelles mettant l’accent tour à tour sur plusieurs personnages importants, en a désarçonné quelques-uns. À ceux-là, je dirais : ne lâchez pas tout de suite. Calez-vous donc dans un fauteuil bien confortable, et lisez Necropolis. Il y a des chances qu’il réussisse à vous convaincre.
Petite anecdote personnelle : à l’époque où je venais de traduire Premier et Unique, ma mère s’est retrouvée à l’hôpital pour quelques jours. Je lui avais imprimé ma traduction en entier pour lui faire de la lecture, et à ce qu’elle m’en a dit, elle avait apprécié (sa lecture, et de se rendre compte que je faisais un vrai métier, peut-être, aussi).
J’ai eu la chance de voir Dan Abnett lors du Black Library Weekender, et de l’entendre parler du traducteur français de l’Hérésie d’Horus lors du séminaire sur la violence animée avec Andy Smilie. Ma mémoire et mes notes me font dire que c’était à propos de la fameuse scène d’Imperium Secundus où Roboute se fait attaquer dans son bureau et où le temps se fige presque lors de l’action, tu lui avais indiqué que tu manquais de mots pour le combat. Peux-tu nous en dire plus sur cette anecdote ?
(Note : j’étais tout sourire quand il a mentionné ce point, mais je n’avais pas réussi à le caser dans une de nos actualités à l’époque, désolé)
Avant toute chose : bande de veinards, j’aimerais bien m’y rendre un de ces jours. Et moi aussi je suis tout sourire maintenant ; ça fait toujours plaisir de savoir qu’on a parlé de vous lors du Weekender !
J’ai cherché dans les mails que je conserve, je n’ai pas retrouvé d’échange à ce sujet, et j’avoue que je ne me rappelle plus très bien, tout a tendance à s’enchaîner assez vite d’un livre à l’autre… Cela dit, il aurait surtout mérité que je le complimente pour ce qui est d’après moi une excellente idée de mise en situation d’un primarque. C’était peut-être compliqué sur l’instant, mais mon ressenti reste que cette scène est excellente !
Pour revenir à la question, nous lui en avions déjà parlé avec Nathalie Huet, qui travaillait sur les séries Eisenhorn et Ravenor. Dan a conscience depuis quelques années qu’il nous est parfois (souvent) (toujours ?) difficile de retranscrire les scènes d’action, dans la mesure où l’anglais possède énormément de synonymes et de nuances dans certains champs lexicaux spécifiques ; je pense notamment à ce qui concerne la lumière et le bruit. Or, vous n’êtes pas sans savoir que les scènes de bataille de Warhammer 40,000 tiennent souvent de la grande démonstration pyrotechnique :)
De l’extérieur, on a l’impression que l’Hérésie stagne un petit peu, même en VO. Est-ce un mauvais signe ou juste de l’organisation dont on a pas conscience ?
Je comprends tout à fait cette impression. De fait, la série est sortie de la période des débuts de l’Hérésie, qui avaient une forte valeur narrative et dramatique, et certains de ses événements les plus connus ont déjà été traités. Black Library prend maintenant le temps d’explorer des aspects annexes de la révolte d’Horus : ce qu’il s’est passé pendant ces sept ans, ce que faisait chacune des légions, y compris celles laminées à Isstvan (et ça en fait dix-huit, faut pas oublier !)
Alors je comprends que beaucoup se mettent à ronger leur frein. Moi aussi, j’ai hâte qu’on me montre ce qu’il va se passer sur Terra, le grand affrontement final, j’ai hâte de voir si tout sera décrit de façon aussi épique que je le visualise dans ma tête.
Ce que je prends comme un signe encourageant pour l’Hérésie d’Horus, singulièrement, c’est l’arrivée de la série « The Beast Arises ». Encore une fois, je répète que ne suis pas dans le secret des dieux (du Chaos). Mais peut-être que Black Library explore d’autres événements de Warhammer 40,000 pour repartir ensuite de plus belle sur l’Hérésie : marquer un temps d’arrêt, la faire passer un temps au second plan, avant de se recentrer sur elle et de lui donner un grande impulsion, un second souffle.
plus d’informations sont disponibles dans la news à propos de l’annonce de The Beast Arises
Pas d’entourloupe cette fois : on peut avoir une info sur ce sur quoi tu travailles actuellement ?
Oui ! En fait, en ce moment, je ne travaille pas sur l’Hérésie d’Horus ^_^ J’ai un peu de temps par rapport à mes obligations relatives à BL ; j’ai traduit un peu de jeu de rôle, je vais en retraduire bientôt. Et puis un peu de jeu de société aussi. Et après ça, je me remets à l’Hérésie ! Happy ? ^_^
Nous remercions encore Julien Drouet pour le temps qu’il nous a accordé, nous sommes plus qu’Happy d’avoir un peu plus d’informations sur ce qu’il se passe en coulisse.
- Publié le Samedi 24 octobre 2015